Le pouvoir omniprésent de la culture occidentale de l'évaluation: comment et de quelles manières vous efforcez-vous d'assurer que l'évaluation soit culturellement appropriée et bénéfique à ceux qui légitiment l'aide au développement?

Le pouvoir omniprésent de la culture occidentale de l'évaluation: comment et de quelles manières vous efforcez-vous d'assurer que l'évaluation soit culturellement appropriée et bénéfique à ceux qui légitiment l'aide au développement?
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Le pouvoir omniprésent de la culture occidentale de l'évaluation: comment et de quelles manières vous efforcez-vous d'assurer que l'évaluation soit culturellement appropriée et bénéfique à ceux qui légitiment l'aide au développement?

©Dazed and Confused 1994

La question de la culture et du contexte culturel – dans la langue et les manières de penser de l'évaluation – a été soulevée lors d'un récent webinaire d'EvalForward examinant les théories du changement.

Le rôle de la culture dans les évaluations internationales du développement n'est pas un nouveau sujet. De nombreux livres et articles ont abordé cette question. Ils remontent au volume de Michael Quinn Patton sur la culture et l'évaluation dans New Directions for Evaluation (Patton, 1985) et à la critique de Pauline Ginsberg des approches occidentales dans les évaluations internationales pour Evaluation and Program Planning (Ginsberg, 1988).

Récemment, lors d'un dîner à Londres, Bob Picciotto m'a parlé de culture et d'évaluation et m'a envoyé quelques documents à lire. Bien que j'aie toujours cru prendre en compte de manière appropriée la signification de la culture, il a révélé mon ignorance.

Les jours suivants, j'ai lu et consulté plusieurs sources. Deux étaient particulièrement intéressantes: un texte bien écrit sur l'évaluation culturelle publié par la société américaine de l'évaluation en 2011; un clip sur vimeo – facile à télécharger – qui décrit l'évaluation culturellement appropriée examinée par les membres de la communauté de la nation Lummi, une tribu amérindienne basée dans l'État de Washington aux États-Unis.

…….donc à ma question:

Quelles leçons ou expériences – réussites, défis ou échecs – avez-vous eues, en qualité de commanditaire et/ou d'évaluateur, dans vos efforts pour vous assurer que les évaluations donnent une priorité adéquate aux connaissances, valeurs et pratiques autochtones?

Cette discussion est terminée. Veuillez contacter info@evalforward.org pour plus d'informations.
  • Je viens de rejoindre la plateforme Evalforward et j'ai trouvé les contributions à cette discussion intéressantes, pertinentes (le monde est petit, après tout) et absolument stimulantes. Je suis heureuse de découvrir et j'attends avec impatience le prochain webinaire pour en savoir plus sur ce sujet enrichissant. 

  • Chers tous,

    Je remercie tous ceux qui ont pris le temps de contribuer à la discussion. J'espère que vous avez trouvé intéressant de lire les points de vue et les expériences des autres. La discussion va etre maintenant fermée, mais étant donné le nombre de réponses riches et variées, EvalForward, en collaboration avec EvalIndigenous, a décidé d'organiser un webinaire le lundi 24 octobre à 14h00 (heure de Rome). En leur nom, j'apprécierais grandement, si vous en avez la capacité, d'y participer et d'inviter d'autres personnes de vos propres réseaux.

    John Ndjovu fera une présentation pour provoquer, ce que nous espérons, une occasion passionnante de partager et d'en apprendre davantage sur cette question extrêmement importante.

    Merci d'avance, et merci encore pour votre contribution. Nous nous réjouissons de vous y voir tous, pour ainsi dire !

    Daniel

     

  • Salutations chaleureuses et respectueuses à Mustapha Malki. Je considère que votre contribution sur cette question est excellente et appropriée.

    Les différents outils d'analyse et de compréhension de la population cible et les actions de développement qui en découlent doivent tenir compte de la situation des individus en tant que représentants de leur culture.

    L'évaluation est l'outil fondamental qui permet de collecter et d'internaliser les connaissances et les expériences, de présenter un diagnostic, de caractériser socialement une population et de procéder à une analyse systématique des informations. 

    La structure de cette pratique lui permet de générer une vision intérieure de la population cible, basée sur l'apport inhérent à la nature elle-même et sur les contributions des différents outils appliqués.

    Cordialement, Pedronel Lobaton Bedon. Consultant.

  • Le débat sur la question culturelle et l'évaluation, mis en discussion sur la plateforme EvalForward par Daniel Ticehurst me rappelle une anecdote qu'on raconte dans certains pays africains: l'histoire d'un trou sur une route à grande circulation, situé à 3 km, qui était réparé chaque année et qui se réouvrait chaque année pendant la saison des pluies et causait donc beaucoup d'accidents graves. Et bien que l'hôpital se trouvait juste à 3 km de là, le manque d'ambulances rendait la gestion de ce problème encore les choses plus compliquées. Alors le gouvernement décida de fermer le trou avec du béton pour qu'il ne s'ouvre plus jamais… et ouvrir un autre trou juste à côté de l'hôpital pour régler… le problème du manque d'ambulances.

    En entamant ma contribution avec cette anecdote, je veux me montrer un peu provoquant pour dire que chercher à régler les problèmes liés au aspects culturels lors de l'évaluation est en fait un débat assez tardif dans le processus de développement socio-économique, surtout si l'on convient que toute action développementale doit être par essence participative, et que l'implication des bénéficiaires doit être concrétisée assez précocement lors de deux étapes initiales importantes d'un processus de développement (élaboration de la problématique de développement, et identification des objectifs de développement/changement). Une telle stratégie est incontournable si nous voulons que les bénéficiaires soient activement impliqués lors des étapes ultérieures du processus de développement (implémentation/réalisation, suivi, évaluation, hand-over, etc.).

    En lisant certaines contributions, dont plusieurs sont restées assez techniques et méthodologiques, je me suis senti au début des années 1980, quand le livre de Robert Chambers "Rural Development' Putting The Last First" car plusieurs des aspects culturels dans les processus de développement avaient été évoqués à partir. Celui-ci identifie les six préjugés (ou biais) important entravant le contact des étrangers avec la "réalité" rurale en général, et avec la pauvreté rurale la plus profonde, en particulier.

    Le débat sur les aspects culturels dans le cadre d'une évaluation est certes intéressant mais on ne peut pas nier que cela reste un débat assez réductionniste présentant l'évaluation d'une action de développement comme si c'était un ilot indépendant alors que c'est juste une étape dans le processus de cette action de développement et, qui plus est, intervient à un moment où ce processus est assez avancé dans le temps et l'espace, et peut-être atteint un point de non-retour dans son évolution.

    Parmi les contributions sur ce thème, il y a 3-4 qui ont – à mon humble avis – cerné la problématique de l'absence de considération assez fréquente des aspects culturels non seulement lors de l'évaluation, mais également durant tout le processus de l'action de développement: il s'agit de, selon l'ordre temporal des contributions:

    (1) Njovu Tembo Njovu ne fait de commentaire, il fait plutôt une plaidoirie sur la philosophie de développement dans le monde qui est assez dominée par l'ethnocentrisme des Occidentaux; cela reste une vérité indéniable et je dois affirmer que je partage largement le contenu de cette plaidoirie. Il déclare que "le système d'évaluation global est dominé par les notions d'investigation émanant du Nord Global occidental, patriarcal, privilégiant les Blancs… et que les systèmes nationaux d'évaluation sont contrôlés par les bailleurs de fonds". Ceci renvoie au sérieux avec lequel sont pris en considération le suivi et l'évaluation des actions de développement dans les pays du Sud qui restent fortement tributaires des pays occidentaux en matière de ressources financières à allouer aux activités de suivi-évaluation. Et la loi de fer des pays occidentaux en matière de développement est que s'ils ouvrent des budgets pour les pays du Sud pour les actions de développement et les activités de suivi et d'évaluation y afférentes, alors il faut utiliser une partie de ces budgets sous forme de ressources humaines de ces pays donateurs. Et là, on retombe dans le cercle vicieux de l'expatrié qui va faire la formulation de l'action de développement avec ses œillères d'Occidental n'ayant que des connaissances très éphémères sur les aspects socio-culturels de l'environnement va évoluer l'action de développement en question, et quid de notre présent débat les aspects culturels et l'évaluation. Il faut donc œuvrer, comme le mentionne Silva Ferretti, à développer les outils nécessaires pouvant permettre aux expatriés d'intégrer les connaissances locales dans leurs actions de développement, donnant plus de considération au fait que les bénéficiaires puissent être à la fois des apprenants et des enseignants dans le même temps (dixit Njovu). Et ainsi aboutir à la décolonisation de l'œuvre de développement, en général, et des évaluations, plus particulièrement, tel que nous le suggère Ventura Mufume, et éviter de perpétuer "la culture de suprématie blanche" (dixit Silva Ferretti).

    (2) Eriasafu Lubowa pense que "le défi de la sensibilité culturelle serait en partie résolu lors de la phase de conception en procédant à une analyse participative approfondie des parties prenantes, induite lors de l'élaboration du cadre de résultats et des indicateurs". Pour cette personne, la participation active des principales parties prenantes d'une action de développement, et plus particulièrement les bénéficiaires, lors de la phase de conception, et au suivi de l'exécution devrait minimiser/contrecarrer les problèmes de sensibilité culturelle qui surviendraient lors de l'évaluation. Ainsi, cette affirmation apporte de l'eau à mon moulin: il est quelque peu tard d'aborder les aspects culturels au moment de l'évaluation; il faut certainement aborder cela tout au début du processus de l'action de développement, donc lors de la conception.

    (3) Ram Chandra Khanal annonce que "Pour diverses raisons, les questions culturelles sont moins représentées dans la conception de l'évaluation et les phases subséquentes. Lors de la conception d'une évaluation, la plupart des méthodes et outils d'enquête et d'observation ne tiennent pas compte du contexte, de l'espace et du temps, et sont principalement axés sur les résultats et leurs indicateurs associés." C'est tout le dilemme de l'évaluation qui reste assez souvent dans le cadre de résultats de l'action de développement, élaboré des années auparavant par une équipe d'expatriés qui n'avaient pas assez de connaissances sur l'environnement culturel et social dans lequel allait évoluer l'action de développement (exemple d'un projet de la Banque Mondiale sur la traction animale pour le labour des terres en Afrique). Et comme le dit si bien, Silva Ferretti, si accepter que l'évaluation signifie "résultats, indicateurs", c'est peut-être tuer dès le départ la possibilité d'une appropriation culturelle de l'évaluation, et peut-être même de l'action de développement dans sa globalité. Et cela est d'autant plus vrai que l'évaluation est assimilée par de nombreux praticiens à une documentation des résultats et des indicateurs, ce qui peut les détourner d'autres pistes d'analyse.

    Donc, au final, l'étape d'évaluation ne peut à elle seule prendre la responsabilité d'aborder le débat sur les aspects culturels de l'environnement dans lequel est exécutée une action de développement, bien qu'elle puisse peut-être aborder cela dans le cadre strict heuristique que peut offrir une activité de recherche-action que peut se révéler une évaluation. Et donc le vrai débat sur ces aspects doit être planté lors de la phase de conception de cette action de développement en allouant plus de place et de rôle actif aux bénéficiaires et réduire la suprématie blanche des expatriés qui ne peuvent aucunement détenir la "vérité absolue".

    Mustapha Malki, PhD

    Spécialiste en suivi-évaluation

    Consultant freelance

  • Je suis entièrement d'accord avec la contribution de Ram. Contrairement au concept et à la méthodologie traditionnels de l'évaluation en tant qu'outil permettant de collecter et de classer des informations et d'obtenir des résultats, l'évaluateur doit comprendre le contexte et la culture locaux. Cela peut conduire à des résultats et des conclusions différents.

    En d'autres termes, l'évaluation doit structurer et façonner les différentes situations qu'elle saisit et analyse. Et, automatiquement, l'univers détermine et consolide l'esprit de vie de toute culture dans le monde.

     

  • Bonjour Safieh et Eriasafu,

    Oui, je veux toujours saisir l'implication des femmes et des différentes ethnies/castes dans tous les aspects des projets. Donc, en effet, je visite les maisons et d'autres lieux, pas seulement les réunions officielles, et j'essaie d'établir ce qui se passe dans les coulisses. Mais généralement, lorsque des décisions sont prises lors de grandes réunions dans des communautés mixtes, ce sont les puissants de la communauté (et ce ne sont généralement pas les femmes ou les minorités ethniques) qui contrôlent la prise de décision si personne n'est présent pour faciliter la participation de tous.

    Cela dit, lors d'une évaluation à grande échelle, il n'est pas possible d'aller très loin (par rapport à un petit projet). Nous ne pouvons pas visiter tous les ménages de chaque communauté. Dans la pratique, je constate que les opinions varient d'une personne à l'autre ou d'une communauté à l'autre également, de sorte que la participation peut ne pas produire un point de vue similaire pour tous. Si l'évaluation d'un projet est financée au niveau national et qu'il n'y a peut-être pas de personnel ou de conseillers au niveau local, nous nous appuyons sur le personnel du gouvernement et sur le cadre de résultats pour les indicateurs. En général, c'est le gouvernement qui décide des priorités et des approches, et il peut avoir des opinions différentes de celles de la communauté locale ou des individus.

    La question se pose également de savoir s'il est raisonnable d'" interférer " si les pratiques culturelles locales sont réellement préjudiciables à la santé ou à la sécurité des femmes. Pour donner un long exemple, mais qui démontre les défis - je travaille avec un projet à long terme au Népal et les tabous liés à la menstruation dans les villages éloignés peuvent être assez extrêmes, allant de l'exclusion dans les huttes chhaupadi, à l'interdiction de toucher les robinets ou d'utiliser les toilettes, ou de manger des aliments nutritifs pendant la menstruation ou après l'accouchement. Compte tenu du droit des Nations Unies à l'assainissement et à l'eau, et de la Constitution népalaise, ces pratiques ne sont pas acceptables en droit au Népal, mais elles perdurent. Par conséquent, alors que certains dans les villages s'opposent aux interventions visant à changer les choses au motif qu'il s'agit de pratiques traditionnelles, nous estimons qu'il est justifié d'intervenir pour changer les pratiques. On pourrait dire la même chose des pratiques de MGF dans d'autres pays.  Si j'arrivais en tant qu'évaluateur et que je parlais avec certains membres de la communauté (y compris les femmes âgées), ils me diraient probablement que c'est la pratique locale et qu'elle est parfaitement acceptable. Mais d'autres, en particulier les jeunes femmes, pourraient s'y opposer fermement. Alors, quelle voix est prise en compte ? (cela ressemble un peu au vieil adage selon lequel un aveugle décrit un éléphant, en fonction de la partie qu'il a sentie !) Et en forçant les femmes à déféquer en plein air plutôt que d'utiliser leurs toilettes, c'est l'assainissement et l'hygiène de la communauté qui sont affectés, mais les gens ne voient pas forcément le rapport. C'est donc un véritable défi.

    Dans le cas de problèmes moins extrêmes - tels que les pays où les femmes locales n'ont traditionnellement pas participé à la vie professionnelle en dehors de la maison... si les indicateurs anticipent une plus grande participation et qu'il n'y en a pas, alors nous finissons par devoir mal noter le projet en matière d'égalité des sexes et d'autonomisation des femmes. Il se peut que les objectifs soient fixés trop haut, qu'ils ne soient pas en phase avec la culture locale, mais la question reste alors de savoir s'il est normal d'essayer de changer les choses. De nos jours, on attend souvent d'un projet de développement qu'il apporte un changement transformateur pour les femmes ou les minorités ethniques, les personnes handicapées ou d'autres groupes défavorisés. Mais cela peut être difficile à voir si les femmes ne participent pas aux réunions ou aux formations, ne dirigent pas les activités ou ne reçoivent pas de bénéfices. Comment mesurer un changement potentiel ?

    Bref, j'ai assez divagué ! Je n'ai pas les solutions ici, mais je suis consciente qu'en tant qu'évaluateurs, nous sommes pris entre les communautés/projets et les financiers, et nous essayons de faire une évaluation acceptable et juste !

    Bonne chance à tous ceux qui sont confrontés à ces énigmes ! Pam

  • Bonjour,

    Cette discussion est en effet très intéressante. Pour moi, l'évaluation doit être plus que sensible à la culture. Elle doit être axée sur la culture. Toute évaluation dans un contexte donné devrait suivre la façon de penser de la culture à laquelle appartient l'évaluateur. 

    Faire appel à des experts de la communauté ou impliquer les membres de la communauté tout en utilisant un cadre " externe " ne rend pas l'évaluation sensible à la culture.

    En tant qu'évaluateurs, nous devons apprendre comment la culture génère et utilise les connaissances. 

    Au 3DLab, nous avons commencé à consulter des personnes compétentes dans notre communauté pour développer, je devrais dire, pour découvrir les cadres traditionnels de génération de connaissances.

    Je crois qu'il y a encore beaucoup à faire.

    Salutation

  • Salut Ram,

    C'est une excellente expérience dont on peut tirer des enseignements. Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'avoir un expert local qui connaît le contexte culturel local est essentiel pour garantir une évaluation sensible à la culture.

    Salutations, 

    Eriasafu

  • Chers tous,

    Merci de partager votre expérience éclairante. J'ai une petite contribution basée sur mon expérience.

    La valeur de la culture dans l'évaluation est un discours moins débattu et pratiqué parmi les chercheurs en développement, les professionnels, les universitaires et les bailleurs de fonds. Pour diverses raisons, les questions culturelles sont moins représentées dans la conception de l'évaluation et les phases ultérieures. Lors de la conception d'une évaluation, la plupart des méthodes/outils d'enquête et d'observation ne tiennent pas compte du contexte - espace et temps - et se concentrent principalement sur les résultats et les indicateurs associés. Cela est d'autant plus important lorsqu'il s'agit de questions de développement social. L'approche récente consistant à utiliser la théorie du changement couvre, en principe, un spectre plus large du contexte, mais la compréhension des personnes et de leurs pratiques (=culture) n'a pas été une partie importante de l'analyse. Par exemple, au sein d'un groupe de personnes (prenons l'exemple des "hill Bramin" au Népal), les femmes ne disent généralement pas le nom de leur mari, ne serrent pas la main (elles ont une manière différente de saluer lorsqu'elles rencontrent des gens) et ne peuvent pas parler franchement avec un homme venant de l'extérieur. En outre, les rôles familiaux des hommes et des femmes sont également déterminés par les systèmes sociaux/la culture auxquels ils sont habitués depuis des générations, ce qui peut être étrange pour les personnes venant de l'Ouest. Certaines communautés vénèrent leur dieu avant d'initier des activités liées au projet ou d'accomplir les tâches du projet. Il existe des cas où les interventions de développement sont conçues sans tenir compte des aspects culturels (comme la démolition de temples ou de lieux sacrés ou religieux de certaines communautés pour construire une route qui affecte directement leur culture). Ce sont là quelques exemples. Dans ce cas, un évaluateur ne comprenant pas le contexte local et la culture - il/elle pourrait comprendre de différentes manières et les résultats globaux de l'évaluation pourraient être différents. Je pense qu'avoir un expert local (qui connaît la culture) et une conversation respectueuse avec les communautés sont deux stratégies que j'ai utilisées dans mes évaluations.

    Passez un bon week-end.

    Meilleures salutations, 

    Ram

     

  • Salut Safieh,

    Je partageais juste quelques réflexions en utilisant le terme "défis critiques" pour exprimer mon point de vue mais je n'ai pas de lien. 

    Salutations, 

    Eriasafu

     

  • Bonjour Pam,

    Je me demande comment/si vous avez fait pour que la prise de décision des femmes soit prise en compte dans ce processus d'évaluation, ce qui est, j'imagine, ce que vous essayiez de mesurer et de transmettre ?
    Cela dit, je ne sais pas si les décisions sont prises simplement par les hommes qui se rendent à l'extérieur pour des réunions ou si le processus de discussion est plus probablement fait par les femmes (aussi ?) avant la réunion en plein air.

    Eriasafu, pouvez-vous s'il vous plaît envoyer un lien sur les défis critiques qui a été fait et que vous pensez pourrait être utile ?

    Merci beaucoup à tous pour cette riche discussion,

    Safieh.
     

  • Je salue du Mexique la communauté Evalforward.

    Dans les projets de développement rural, de conservation et de gestion des forêts, nous avons été confrontés au défi de donner la dimension appropriée à la cosmovision des peuples autochtones. Le Mexique compte plus de 68 peuples indigènes et, comme dans d'autres pays, ils sont surtout présents dans les zones rurales.

    Dans les différents projets auxquels j'ai participé, nous avons essayé de mettre en œuvre des systèmes de consentement préalable libre et éclairé avec les populations autochtones tout au long du cycle de gestion des projets de développement rural. Nous avons développé des outils simples qui nous ont permis de proposer des projets, de rendre compte de leur développement et de leur appropriation, de réaliser des évaluations de processus et d'impact, ainsi que la stratégie de clôture et de sortie de notre présence sur les territoires.

    En particulier, dans les projets du GEF, il s'agit d'une exigence à remplir chaque fois que les projets ont un impact sur les territoires des peuples autochtones. J'aimerais partager avec vous un cours très utile sur ce sujet à l'adresse suivante : https://www.fao.org/in-action/capacitacion-politicas-publicas/cursos/ver/fr/c/1397095/ (en espagnol). 

    En outre, dans l'organisation où je travaille, nous avons le projet de Mécanisme dédié spécifiquement pour les peuples autochtones et les communautés locales (Mécanisme dédié), qui est un projet spécial du Programme d'investissement forestier. Ce programme soutient les efforts des pays en développement pour réduire les émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD+) par la participation pleine et effective des peuples autochtones et des communautés locales aux activités qui contribuent à la REDD+ en promouvant des sous-projets productifs durables qui favorisent le développement économique et l'échange de connaissances pour consolider leurs capacités dans l'utilisation durable de leurs territoires. Dans ce projet, des schémas de suivi ont été développés pour la systématisation de l'information et l'évaluation pour vérifier le progrès des activités dans les territoires. Le développement des outils a été très sensible à l'inclusion et au contexte des participants. Il existe donc des manuels avec des directives et des formats qui permettent la collecte d'informations, même dans des endroits où l'accès à l'internet est limité. Je partage avec vous le lien vers la bibliothèque au cas où vous le trouveriez utile : https://www.mde-mexico.org/biblioteca/ (en espagnol).

     

  • Si nous acceptons que l'évaluation signifie "résultats, indicateurs", nous aurons peut-être tué dès le départ la possibilité d'une appropriation culturelle.

    Le terme "évaluation" a des significations différentes selon les personnes. Le fait de l'assimiler à "documenter les résultats et les indicateurs" compromet de nombreuses autres possibilités.

    Comme dans le cas de l'évaluation féministe (qui ne concerne pas seulement le "genre" mais qui vise à repenser les approches pour les rendre intersectionnellement inclusives), nous devrions nous demander à quoi sert une évaluation, quelles sont les façons de voir le changement qu'elle embrasse. Au-delà des résultats, il y a des processus, des principes, des visions du monde. Le moment où vous discutez avec les acteurs locaux : "Qu'est-ce qui compte pour vous dans la façon d'envisager le changement ?", vous travaillez déjà à rendre l'évaluation culturellement appropriée. S'il s'agit uniquement de "définir des indicateurs", désolé, mais c'est peine perdue.

  • En fait, une telle situation est un défi critique dans l'évaluation. Je pense que le problème de la sensibilité culturelle peut être en partie résolu lors de la phase de conception en effectuant une analyse participative approfondie des parties prenantes, et en l'induisant lors de l'élaboration du cadre de résultats et des indicateurs. Ainsi, la pleine participation des principales parties prenantes à la conception et au suivi devrait minimiser ou contrer les problèmes de sensibilité culturelle qui pourraient survenir pendant l'évaluation.  Je pense également que pour contrer ces problèmes, avant l'évaluation elle-même, des évaluations de l'évaluabilité portant également sur les questions culturelles révéleraient la possibilité de telles préoccupations.

    Salutations, 

    Eriasafu

     

  • Bonjour,

    Il ne s'agit pas tant d'un " comment faire " que d'une question avec laquelle j'ai parfois du mal, lorsque je fais une évaluation et que j'essaie de suivre les réalisations/résultats en matière de genre. Jusqu'où peut-on dire que les questions d'égalité des sexes et d'autonomisation des femmes doivent être appliquées dans un projet, et donc l'évaluer en conséquence ?

    Un membre d'une équipe d'évaluation locale m'a accusé une fois de ne pas respecter les normes culturelles locales. L'accusation était que dans cette culture, les femmes ne participent pas aux réunions, ne travaillent pas en dehors de la maison, etc. et que seuls les hommes étaient les parties prenantes potentielles - et qu'en posant des questions à ce sujet, y compris de la part de ce membre de l'équipe (de manière respectueuse, selon moi), je ne respectais pas la culture locale.

    Personnellement, je pense que si les parties prenantes du projet ont convenu que les activités devaient être réalisées d'une certaine manière, et surtout s'il existe des stratégies ou des engagements nationaux/locaux en matière de genre, alors il est juste de discuter du manque de conformité dans l'évaluation. Sinon, nous ignorons les engagements pris pour améliorer le statut des femmes et nous ne faisons que soutenir le "business as usual", même si ce n'est pas une pratique culturelle locale. Naturellement, nous devons consulter le personnel du projet ou les sources locales pour nous assurer que nous comprenons bien les problèmes et que nous ne nous engageons pas dans un sujet très sensible, ou que nous n'ignorons pas une méthode locale d'égalité des sexes et d'autonomisation des femmes (GEWE). Il se peut que les parties prenantes locales n'aient pas été pleinement consultées ou informées de la nécessité d'impliquer les femmes (ou les minorités ethniques ou les castes, ou toute autre sensibilité spécifique), et c'est une autre question pour l'évaluation. Mais je ne pense pas qu'en tant qu'évaluateurs, nous devions simplement ignorer la façon dont les choses sont faites.

    Meilleures salutations, Pam

     

  • Merci infiniment à Ana Urgoiti pour avoir mentionné les directives d'EvalIndigenous que j'utilise dans mon travail.

    En tant que membre fondateur du réseau mondial EvalIndigenous (https://evalpartners.org/evalnetworks/evalindigenous/), j'aide les communautés autochtones et les évaluateurs du monde entier à faire entendre leur voix dans les processus de développement social et économique et à faire respecter leurs droits humains. Je mets l'accent sur l'approche ascendante qui consiste à travailler davantage avec les personnes au niveau de la base afin de leur donner des compétences d'évaluation.

    Pour soutenir la démocratie, jouir de la paix dans le monde entier et réussir la mise en œuvre des objectifs de développement durable, une approche complète est nécessaire en évaluation. Mes collègues évaluateurs autochtones et moi-même plaidons de plus en plus auprès des autres évaluateurs et institutions de développement en faveur de l'idée selon laquelle les communautés autochtones peuvent à la fois apprendre et enseigner. Nous travaillons avec des communautés autochtones qui sont en marge du système d'évaluation mondial.

    Personne ne doit être laissé de côté dans les processus de développement et d'évaluation. Les communautés fortunées ou les pays du Nord n'ont pas le monopole des connaissances et des solutions aux défis mondiaux. Les pays du Nord sont les plus grands consommateurs de produits mondiaux et les plus grands contributeurs au changement climatique. Un grand nombre des défis auxquels les communautés autochtones se trouvent confrontées dans le monde entier peut être imputé directement aux pays du Nord. Le système d'évaluation est dominé par des notions d'enquête des pays du Nord-occidentales-patriarcales-blanches-privilégiées (comme cela est montré, par exemple, dans Evaluation Roots). Il a longtemps été complaisant avec la démocratie défaillante et le paradigme de développement qui a conduit la planète au bord de la catastrophe. Nous sommes un village planétaire et la majorité lutte pour mettre un terme au racisme systématique et autres ismes des principaux systèmes de développement mondial. Nous avons besoin de changement dans notre manière de pratiquer l'évaluation. Les connaissances autochtones nous ont donné les principes permettant d'entrer en relation avec les autres et avec notre environnement. La plupart des objectifs de développement durable se retrouve dans les modes de vie des communautés autochtones. Le mode de vie des communautés autochtones africaines est fondé sur la philosophie Ubunu qui nous enseigne à nous aimer les uns les autres (j'existe car tu existes) et notre planète.

    Ici, en Zambie, j'ai remarqué qu'il y a beaucoup de communautés où des interventions de développement sont menées par les ONG et le gouvernement, mais sans que les populations locales ou les bénéficiaires ne soient impliqués dans les conceptions, les mises en œuvre et les évaluations de ces interventions. Nous avons connu l'esclavage, le colonialisme et maintenant l'indépendance politique mais la majorité des personnes vit encore à l'ère de l'esclavage. Les institutions royales et les élites (y compris les évaluateurs) semblent se complaire dans le paradigme du sous-développement. La démocratie a été séquestrée par quelques-uns et les évaluateurs font partie du système de justification. Puis-je rappeler à ceux qui célébraient l'Afrique du Sud comme la promotrice du suivi et évaluation en Afrique que cela ressemblait beaucoup au vernis de la chrétienté? Il y avait en effet un département de l'évaluation au sein du Bureau du Président. Toutefois, est-ce que cela a changé quelque chose au fait que Jacob Zuma traite l'Afrique du Sud comme sa chefferie personnelle tout comme ses acolytes qui se sont emparés des entreprises publiques? De l'autre côté, le Zimbabwe qui compte le plus grand nombre de personnes instruites en Afrique, a été ruiné par le Président le plus instruit du monde, Robert Mugabe. Ici, en Zambie, nous avons créé un Ministère du développement national avec un secteur dévolu à l'évaluation. Le ministère a été supprimé à la fin de 2021 et l'évaluation a été reléguée à un coin sombre du Ministère des finances.

    Les évaluateurs se précipitent pendant quelques jours vêtus du chitenge local, pour serrer la main des personnes âgées et hocher la tête poliment d'une manière qu'ils pensent être une réponse culturelle et cochent leurs listes de vérification d'évaluation. Même les Africains qui effectuent ce type de visites de terrain ont tendance à se comporter comme des sociologues venant de la terre de glace où le soleil ne se couche pas pendant six mois. Ils laissent les chargés de projet faire défiler devant eux les bénéficiaires qu'ils ont sélectionnés pour parler positivement du projet. Ils discutent avec les fonctionnaires de la bonne gouvernance et de la mise en œuvre de l'un ou l'autre des programmes mondiaux et sont conduits dans des endroits où ils peuvent faire des selfies pour montrer qu'ils sont allés en Zambie et ont fait la course avec un guépard mais ils n'ont pas le temps de sortir des bureaux et voitures climatisés pour se rendre dans les villages et demander au citoyen ordinaire ce qu'il pense de tous ces indicateurs de bonne gouvernance et de mise en œuvre des ODD par leur gouvernement. Ainsi, nous avons tendance à avoir des évaluations et des recherches qui sont très éloignées des réalités de la majorité des personnes dans les communautés. Les rapports sont impressionnants d'un point de vue graphique et statistique mais valent moins qu'un épi de maïs asséché et décortiqué ou qu'un bout de papier toilette du village pour un citoyen ordinaire.

    Nous disposons de systèmes d'évaluation autochtones. Toutefois, les pratiques d'évaluation actuelles les ignorent totalement. Ceux qui les connaissent et voudraient les utiliser n'ont pas le pouvoir d'insister pour leur utilisation. L'élaboration du système d'évaluation national est guidée par les donateurs. Alors que la Déclaration de Paris de 2005 sur l'efficacité de l'aide a comme principe le transfert des responsabilités aux populations locales, peu de choses ont changé durant les deux dernières décennies. Les États africains et l'Union africaine dépendent trop des financements externes pour le suivi et l'évaluation. Ils croient que c'est un rituel à pratiquer pour montrer aux institutions externes l'existence d'une bonne gouvernance. Ils ne défendent pas les méthodologies d'évaluation créées en Afrique. Les organisations volontaires pour l'évaluation professionnelle sur le continent africain parlent des méthodologies locales lors de conférences et dans les espaces universitaires mais ne peuvent pas défendre leur utilisation dans les faits. Elles sont principalement aux prises avec la difficulté d'assurer leurs activités quotidiennes. Les organisations volontaires pour l'évaluation professionnelle peinent à survivre en mobilisant des ressources pour leurs activités auprès des membres et des philanthropes locaux. Elles n'ont même pas les moyens d'assurer que les évaluateurs réalisent des évaluations de qualité élevée et protègent les intérêts de toutes les parties prenantes.

    Ainsi, EvalIndigenous a préparé un guide succinct pour aider les communautés autochtones et tribales qui ne sont pas toujours à même de participer aux processus de développement et d'évaluation dans leurs communautés. Je n'en suis pas l'auteur mais il s'agit d'un produit d'EvalIndigenous. Voici les questions que les communautés pourraient vouloir poser aux institutions et aux évaluateurs qui viennent travailler avec elles. Ces dix questions sont disponibles aux liens indiqués ci-après.

    https://evalpartners.org/evalnetworks/evalindigenous/

    https://evalpartners.org/sites/default/files/10Qs4evaluatorsA4.pdf

    LE CONTEXTE D'EVALINDIGENOUS

    EvalIndigenous est un partenariat multi-acteurs formé dans le cadre des EvalPartners et fondé sur les connaissances et les expertises des peuples autochtones du monde entier. EvalIndigenous vise à sensibiliser, inclure et célébrer les traditions et valeurs culturelles, les langues, les pratiques de gouvernance juridique/politique ainsi que les modes de vie des peuples autochtones où qu'ils se trouvent. Notre objectif est de veiller à ce que les politiques et les pratiques d'évaluation des peuples autochtones soient basées sur l'équité, l'impartialité et la justice. La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2007) (UNDRIP) encadre notre travail, allant d'une attention fondée sur les éléments de preuve vers une compréhension globale partagée des bonnes pratiques des peuples autochtones et de nos droits dans le domaine de l'évaluation. La partie 1 de l'article 31 de l'UNDRIP déclare que les peuples autochtones ont le droit de conserver, contrôler et développer leur héritage culturel, leurs connaissances traditionnelles et les expressions culturelles traditionnelles ainsi que les manifestations de leurs sciences, technologies et cultures... Ils ont également le droit de conserver, contrôler, protéger et développer leur propriété intellectuelle sur un tel héritage culturel, les connaissances traditionnelles et les expressions culturelles traditionnelles.

    POURQUOI EVALINDIGENOUS

    Les programmes mis en œuvre dans les communautés autochtones sont évalués en utilisant des évaluateurs de passage. Ils ne connaissent pas les réalités culturelles, les protocoles et les contextes des communautés. Il est désormais temps que les peuples autochtones réclament leurs cadres et processus d'évaluation afin de renforcer et de rendre l'évaluation plus authentique dans les communautés autochtones et non autochtones. Il est temps de reconnaître ce qui a été fait pour réunir les deux visions du monde, afin de fournir une approche authentique en matière de sensibilisation culturelle.

    John T. Njovu

  • Bonjour...

    Encore une fois, je n'ajoute pas vraiment ici une leçon pratique, désolé...

    mais je viens de trouver cité ce récent document de l'USAID, qui pourrait intéresser les personnes qui suivent ce fil.

    https://usaidlearninglab.org/resources/report-integrating-local-knowled… (en anglais)

    La fonction de gestion des connaissances et d'apprentissage organisationnel de l'agence USAID a facilité les conversations avec les praticiens du développement afin de savoir comment les organisations de développement intègrent les connaissances locales dans leurs programmes. Le rapport explore trois aspects de ce sujet : Tirer parti des meilleures pratiques, relever les défis et obtenir les meilleurs résultats.

     

  • En tant qu'évaluateur africain, né et élevé dans un pays qui a subi la domination coloniale pendant 500 ans, non seulement je soutiens la décolonisation des évaluations, le mouvement d'évaluation Made in Africa et d'autres initiatives, mais je suis également confronté et j'essaie de corriger un "péché" culturellement intrigant que la plupart des évaluations commettent sans le savoir.

    Lorsqu'elles conçoivent des questionnaires pour saisir les caractéristiques démographiques des répondants, les évaluations demandent souvent si la personne appartient ou non à un groupe "indigène". Malheureusement, dans les pays africains où le colonialisme portugais a prospéré pendant plus d'un demi-siècle, à savoir le Mozambique, l'Angola, le Cap-Vert, la Guinée-Bissau et Sao Tomé-et-Principe, le système colonial a utilisé une approche consistant à diviser pour régner, entre autres stratégies, et des mots tels que "indigène", "assimilados", etc, ont été utilisés pour légitimer un système de castes culturelles dans lequel la population noire autochtone était divisée en catégories, où "indigène" équivalait à "non civilisé" et où l'assimilado, qui avait acquis la citoyenneté portugaise au terme d'un long processus d'acculturation, de soumission et de lavage de cerveau, était plus proche du système que les non-assimilados. Les assimilés étaient donc utilisés pour taxer leurs congénères noirs, en utilisant des mesures coercitives comprenant des abus physiques, l'enseignement et le fait de jouer des rôles religieux.

    Alors que le monde d'aujourd'hui est aux prises avec des problèmes sociaux tels que le racisme, il est utile de rappeler à tous que l'emploi du mot "indigène" dans les évaluations des pays africains lusophones ressuscite l'héritage du système de classe déshumanisant que les Africains ont progressivement enterré depuis des générations.  Alternativement, les évaluations feraient moins de mal en adoptant des catégories telles que "groupe minoritaire" et autres.

    Cordialement,

    Ventura Mufume

    Consultant indépendant en évaluation

    Mozambique

  • Chers tous,

    J'avais rédigé ce message il y a quelques jours, je n'ai pas pu l'envoyer, mais je pense que le moment - après que notre collègue a demandé des expériences concrètes - est très approprié pour le partager. Voici donc quelques leçons tirées de mon expérience personnelle.

    Ces leçons, je les ai apprises au cours de 4 mois de travail intensif dans le nord de l'Ouganda avec des communautés de réfugiés (principalement du Sud-Soudan) pour développer et administrer une enquête - il y a quelques années, alors que je travaillais comme consultant indépendant.

    [Pour situer le contexte, ce processus a impliqué la communauté dans toutes les étapes de l'enquête : conception/pilotage, traduction en 4 langues (par des membres de la communauté), sélection et formation d'enquêteurs non professionnels (membres de la communauté), application de l'enquête et retour d'information/analyse participative].

    1. Vous avez aussi une culture, la vôtre est aussi 'une culture'. Aux yeux de l'autre, vous êtes l'étrange. Je me suis particulièrement " découverte " en tant que latino-américaine au cours de ces mois en Ouganda (remarque : les Brésiliens ne s'identifient pas vraiment aux stéréotypes latino-américains ni à l'étiquette de " latino " - même si nous sommes perçus comme tels et partageons en réalité beaucoup en termes de culture avec tous les autres Latino-américains. Notez également que, même si je suis latino-américaine et que j'ai vécu la plus grande partie de ma vie au Brésil, je suis une femme blanche de la classe moyenne, qui a eu accès à une éducation de niveau supérieur et dont la culture est très proche de celle de l'Europe occidentale - c'est de là que je parle et de la façon dont je suis perçue).  

    2. Soyez prêt à reconnaître que vous avez fait une erreur et à agir au cas où quelque chose se produirait. Dans une situation, j'ai ressenti le besoin d'aller chez chacun des membres de mon équipe (environ 12 au total) et d'avoir une conversation individuelle. Cela s'est passé après une réunion très difficile, au milieu de beaucoup de stress et de contraintes de temps. Tout s'est arrangé, mais il a fallu beaucoup d'énergie pour s'assurer que tout était sur la bonne voie et que la confiance (construite au fil des semaines de travail et de dévouement intensif) n'était pas brisée. 

    3. Soyez ouvert (soyez curieux !), soyez patient, et toujours respectueux. Faites des contrôles de réalité. J'ai eu des discussions avec mon chauffeur qui m'ont aidé à comprendre la culture dans laquelle j'étais immergée. Et si nécessaire, prenez un jour ou deux de congé pour respirer au milieu de situations culturellement difficiles - et parlez à des collègues expérimentés. Mieux vaut prendre un peu de recul pendant quelques jours que de devoir réparer les choses plus tard. 

    4. Et une leçon tirée d'un événement qui s'est très bien passé : soyez attentif et respectueux des codes vestimentaires. Les femmes étaient disposées à me recevoir dans leur maison et à me parler parce que je m'habillais de manière respectueuse - elles m'ont littéralement dit qu'elles appréciaient que je ne porte pas de pantalon, mais une jupe plus longue et un chemisier modeste. (Je crois que j'ai pu, grâce à cette attitude et à d'autres, faire preuve de respect et instaurer la confiance. Après une discussion de groupe, des femmes ont chanté pour moi et m'ont " baptisée " d'un nom dans leur langue). 

    J'espère que cela ajoute un peu de concret à la discussion.

    Bien à vous

    Emilia

     

  • Merci à tous ceux qui ont contribué à la discussion. Beaucoup d'entre vous soulignent l'importance de comportements culturellement appropriés, et ceux-ci sont associés à des raisons convaincantes. Certains fournissent des exemples éloquents de la culture occidentale et de la façon dont certaines de leurs institutions restent figées malgré la conscience des conséquences de la nécessité de changer. Cependant, peux révèlent des exemples spécifiques d'expériences dans lesquelles, en tant que commissaires ou évaluateurs, ils ont cherché à être culturellement appropriés et/ou comment ils ne l'ont pas été, et avec quelles conséquences.

    Par conséquent, je serais heureux de recevoir toute expérience " personnelle " qui répondrait plus explicitement à la question suivante : Quelles leçons ou expériences – réussites, défis ou échecs – avez-vous eues dans vos efforts pour vous assurer que les évaluations donnent une priorité adéquate aux connaissances, valeurs et pratiques autochtones?

    Merci beaucoup. 

     

  • C'est un sujet intéressant. Quand on comprend la culture et la philosophie de l'autre. Vous obtiendrez ce but principal. En fait, il y a toujours des similitudes et des différences dans ce sujet. Si vous respectez ces différences. Vous trouverez une évaluation culturelle appropriée et vous obtiendrez un maximum d'avantages mutuels pour les deux parties. Cela pourrait être la meilleure façon de changer nos pensées.

  • Salutations !

    L'objectif de cette note est de fournir un cadre de référence, qui permettrait à un évaluateur/expert en matière de suivi de prendre en compte les éléments culturels pertinents qui devraient être intégrés dans les processus d'évaluation ou de suivi.

    Toutefois, cela n'est pas aussi simple qu'il y paraît, car l'évaluation peut être divisée en trois niveaux distincts sur lesquels les facteurs culturels peuvent avoir des types d'impact très différents.

    Commençons par le niveau le plus élevé où l'objectif d'un plan/projet/programme est déterminé. En supposant que l'utilité d'atteindre cet objectif soit démontrable, il s'agit de savoir si cet objectif est culturellement neutre ou non. À titre d'exemple extrême, on peut citer l'éducation primaire pour tous les enfants, mais dans certaines cultures, l'inclusion des filles peut entraîner des résultats imprévus.

    Au deuxième niveau, il s'agit de savoir si les moyens stratégiques utilisés pour atteindre l'objectif sont culturellement acceptables. Par exemple, la décision de confier l'exécution d'un projet à une source très avancée sur le plan technique peut atteindre son objectif pour le moment, mais les bénéficiaires locaux peuvent ne pas être en mesure de le maintenir à long terme en raison non seulement des différences de compétences techniques et de ressources, mais aussi d'une éthique de travail divergente.

    Enfin, la méthodologie opérationnelle utilisée sur le terrain peut contenir des éléments culturellement inacceptables. Parfois, il n'est pas possible de les éviter, sauf en recourant à d'autres méthodes moins efficaces.

    Meilleurs vœux !

    Lal Manavado.

  • Cher Naser,

    Merci beaucoup pour votre exemple et vos éclaircissements. En fait, les exemples dont vous parlez correspondent exactement à mon point de vue et à mes préoccupations, et il ne s'agit que d'une considération avant d'entamer toute démarche d'évaluation.

    Permettez-moi de formuler mes commentaires comme suit : J'étais un collecteur de recherche du pays quand j'ai fait une collecte de données pour la détermination de l'étude de base et les réalités observées sont :

    (1). Concevoir l'outil et le tester avant de commencer toute activité ;

    (2). Utilisation du personnel local qui comprend le contexte local et nous faisons juste une traduction des outils dans notre langue locale dans le but d'éviter tout malentendu/biais ;

    (3). Nous avons collecté beaucoup d'informations et ciblé de nombreux groupes de population pour participer à la recherche ;

    (4). Nous avons une question sérieuse à prendre en compte dans notre recherche et nous devons comprendre le contact de nos répondants par rapport, par exemple, aux rencontres avec les femmes violées et les travailleurs sexuels qui font partie de notre recherche.

    Salutations,

     

  • Mon expression et ma vision en termes d'expérience vécue dans l'esprit de coexistence des communautés indigènes est la suivante : nous pouvons dire respectueusement que l'évaluation est culturellement appropriée si elle parvient à générer une présentation comme résultat d'assumer, d'atteindre un consensus sur les apprentissages qui sont extraits et en même temps exprimés comme des expériences d'avoir assumé les différents défis et si elle finit par prioriser et endosser de manière justifiée et concertée avec l'environnement et le contexte culturel et ses piliers de connaissance, ses valeurs et apprentissages respectifs en tant que pratiques indigènes.

  • Chers amis

    À mon avis, toute évaluation qui ne tient pas compte du contexte en général, et pas seulement culturel, ne sera pas une évaluation par essence. 

    D'après notre expérience dans les interventions d'autonomisation des femmes, le calendrier de tout événement de collecte de données doit être convenu avec les femmes, sinon personne ne se présente. Nous invitons plus de personnes que nécessaire pour atteindre l'objectif de participants. Dans notre dernière expérience, nous avons recruté un expert en évaluation externe pour le projet d'autonomisation des femmes. Il a pensé à l'outil d'évaluation des moyens de subsistance, où il y a des questions comme : combien de jours avez-vous dormi sans manger ? Quand avez-vous mangé de la viande pour la dernière fois ? ...etc. Il n'a pu remplir aucun des questionnaires, nous avons donc décidé d'annuler cette section.  Pourquoi ? Comme ils sont pauvres, cette question était très sensible pour eux. 

    Une autre histoire : Le deuxième jour, elle a pensé à une photo à un moment précis, elle a donc appelé le bénéficiaire et lui a dit : "Pouvez-vous demander à l'un de vos enfants de prendre une photo pour...", mais la dame/bénéficiaire était âgée, célibataire et sans famille, mais soutenait la famille élargie. Cela peut également se produire si vous demandez à un père, une mère ou un mari de prendre une photo d'un orphelin ou d'une veuve. 

    Il faut donc respecter la culture et les valeurs :  

    1- Concevoir l'outil

    2- Tester l'outil    

    3- Utiliser le personnel local qui connaît le contexte

    4- Expliquez à l'équipe d'évaluation toute question sensible liée à des communautés ou des personnes spécifiques.

    5- Recueillir autant de données que possible avant d'interroger les personnes.

    Salutations

    Naser Qadous

    Palestine

  • Je viens de consulter un article / site web intéressant, mettant en évidence les caractéristiques d'une culture de suprématie blanche.

    Les évaluateurs risquent - volontairement ou non - de les adopter.

    (et le secteur nous pousse vraiment à le faire).

    Donc... ce ne sont pas des leçons ou des expériences.

    Mais une liste de contrôle utile pour décomposer la question et récolter les pratiques.

    image

    L'article est sur :

    https://www.whitesupremacyculture.info/ 

    Et je l'ai trouvé mentionné ici

    https://aidnography.blogspot.com/2022/09/development-ict4d-digital-comm…;

     

     

  • Chère Ana,

    Merci beaucoup d'avoir répondu, d'avoir partagé les 10 questions de John et son adresse électronique.   

    Je me demande : est-ce que quelqu'un d'autre a rencontré ces questions ou des questions similaires ? Et, si oui, vous les a-t-on posées ? Si non, vous les avez posées à vous-même lors de la conception d'une évaluation ?   

    Il me semble que les réponses à ces questions pourraient utilement informer la conception de l'évaluation et/ou aider les équipes à se préparer de manière adéquate. C'est-à-dire, plutôt que d'attendre que les membres de la communauté les posent à leur " arrivée ", pour ainsi dire.

     

    Cela ne risque-t-il pas de faire dérailler le processus et de faire perdre du temps aux membres de la communauté ?  

    Qu'en pensez-vous, vous ou d'autres ?  

    Merci encore une fois, Ana, et je me mettrai en contact avec John pour en savoir plus.

    Avec mes meilleurs vœux,

    Daniel 


     


     

     

  • Bonjour Daniel et Pedronel,

    Je me souviens d'une intervention de John T. Njovu, membre d'EvalIndigenous travaillant en Zambie, sur les "10 questions que les communautés indigènes devraient poser aux évaluateurs", basée sur le fait que les connaissances indigènes ont souvent été marginalisées par la colonisation ou le développement et sur l'idée que, tout comme les évaluateurs demandent aux peuples indigènes de partager leurs connaissances, les évaluateurs devraient également être prêts à être à la fois des apprenants et des enseignants - en partageant les connaissances sur l'évaluation avec les communautés et en permettant aux gens de participer à l'évaluation afin qu'ils apprennent par la pratique.

    Les voici, j'ai vraiment aimé cette approche ! 

    1. Qui connaissez-vous dans cette communauté ? Les évaluateurs ont-ils des relations avec les gens de votre communauté ? Sont-ils venus avec quelqu'un qui peut les guider pour se comporter de manière respectueuse ? Y a-t-il quelqu'un de votre communauté dans leur équipe ?

    2. Que savez-vous de cette communauté ? Les évaluateurs ont-ils fait leurs devoirs pour apprendre à connaître le contexte culturel, historique et politique de votre communauté ? Comprennent-ils votre vision du monde et votre mode de vie ? Savent-ils ce que cela signifie d'être indigène ?

    3. D'où venez-vous ? Les évaluateurs sont-ils prêts à se présenter et à parler d'eux-mêmes ? Comprennent-ils en quoi leurs propres antécédents peuvent être différents et similaires à ceux des communautés ?

    4. Parlez-vous notre langue ? Comment les évaluateurs communiqueront-ils et vous comprendront-ils ? Connaissent-ils votre langue ou dépendent-ils d'interprètes ? Dans quelle langue l'évaluation sera-t-elle menée et le rapport d'évaluation sera-t-il rédigé ?

    5. Que savez-vous de l'histoire de l'initiative ? Les évaluateurs savent-ils comment l'initiative a vu le jour dans votre communauté et si la communauté en avait besoin ou la souhaitait ? Connaissent-ils le processus décisionnel qui sous-tend l'initiative ? Si non, sont-ils curieux ?

    6. Quelle relation aurez-vous avec nous pendant cette évaluation ? Les évaluateurs sont-ils intéressés à travailler aux côtés des conseillers communautaires ? Passeront-ils du temps dans la communauté, de manière formelle (pour l'évaluation) et informelle (pour apprendre à connaître la communauté) ?

    7. Des membres de notre communauté participeront-ils à l'évaluation ? Le financement de l'évaluation sera-t-il dépensé localement, en employant des membres de la communauté pour aider à collecter les informations de l'évaluation ? Comment les membres de la communauté seront-ils rémunérés pour le temps consacré à cette évaluation ?

    8. Aurons-nous notre mot à dire dans la conception de l'évaluation ? La conception de l'évaluation a-t-elle déjà été décidée, ou la communauté pourra-t-elle avoir son mot à dire sur la conception de l'évaluation, les méthodes utilisées, les personnes à qui l'on parle et la manière dont les informations sont collectées ?

    9. Qui analysera les résultats de l'évaluation et rédigera le rapport ? Les évaluateurs collaboreront-ils avec la communauté pour analyser les résultats de l'évaluation et en rendre compte ? Les membres de la communauté seront-ils impliqués dans les activités de diffusion (par exemple, les conférences, les réunions des bailleurs de fonds) ?

    Comment allez-vous soutenir notre utilisation des résultats de l'évaluation ? Les résultats de l'évaluation seront-ils disponibles pour la communauté ? La communauté sera-t-elle soutenue pour utiliser les résultats afin d'améliorer l'initiative et/ou de plaider pour un changement (y compris un financement plus important) ?

     

    Si quelqu'un expérimente un jour cette méthode, je suis sûr qu'il aimerait recevoir des commentaires !

    Voici son contact : njovujt@gmail.com

  • Cher Pedronel,

    Bonjour et merci d'avoir répondu. Je suis tout à fait d'accord avec le fait que les évaluations et les évaluateurs sont confrontés aux défis que vous décrivez. Si l'on ne parvient pas à surmonter ces risques, on risque d'exclure des sources de connaissances plus diverses et des méthodes locales de changement, ce qui peut être particulièrement gênant si l'on se fixe sur une ligne d'arrivée préétablie au lieu de suivre un processus génératif à la vitesse des saisons. 

    Quels sont les défis que vous mentionnez en ce qui concerne l'apprentissage et la priorisation des connaissances indigènes ? et comment pensez-vous qu'ils puissent être surmontés ?

    Je vous souhaite bonne chance et vous remercie encore,

    Daniel 

  • Les évaluations et les évaluateurs sont confrontés au défi d'essayer de comprendre et de hiérarchiser de manière adéquate les connaissances, les valeurs et les pratiques autochtones. Cela leur permettra d'obtenir des résultats probants.  

    Les peuples indigènes protègent et conservent 80 % de la biodiversité mondiale. Leur gestion durable de la biodiversité est fondamentale pour la sécurité alimentaire, la nutrition, la santé et le développement.   

    Les principes et valeurs autochtones sont fondés sur une RELATION PROFONDE ET HARMONIQUE AVEC LA NATURE. Les peuples indigènes préconisent de prendre soin de la Terre Mère - notre maison - car elle fournit les lignes directrices d'une bonne vie et tout ce qui est nécessaire pour maintenir l'esprit de la vie et de la coexistence. Ils promeuvent également la CONNEXION AVEC L'UNIVERS, le RESPECT DE TOUS LES ÊTRES VIVANTS, l'IMPORTANCE DE LA CONNAISSANCE ANCESTRALE, le RESPECT DES PERSONNES ÂGÉES ET DES ENFANTS et, enfin, LE SENS COMMUN DE LA VIE.