RE: Recurring errors in public policies and major projects: contributions and solutions from evaluation | Eval Forward

Bonjour à tous,

Tout d'abord, un grand merci à Hynda qui met sur la table un sujet de débat bien "à propos" et que nous devons tous y apporter des réponses sans tabou afin de mettre au centre l'évaluation par rapport à de nombreux égards liés è l'œuvre de développement, dans tous les sens possibles que porte ce terme "développement".

Dans son message, Hynda met en exergue le terme "erreur" tel qu'il est perçu par nombreux d'entre nous dans la vie quotidienne. Cependant, ce terme devrait être replacé dans le contexte de la planification des politiques publiques afin de distinguer l'intentionnel et le non-intentionnel de l'erreur dans la planification dans nos pays, en général d'abord, et dans les politiques publiques, plus particulièrement. Ensuite, Oumar essaie d'apporter quelques bribes de réponse bien évidentes mais finit très vite par verser dans le normatif au lieu de rester dans le réel – ce qui se fait et pourquoi.

Pour ma part, au vu de ma modeste expérience dans l'administration et mes modestes de travaux de recherche pour comprendre comment fonctionne ce que je nommerai comme le "théâtre de développement", je caricature la sphère de développement par l'existence de différents rôles joués par différents acteurs et donc la présence de différentes rationalités. Et je voudrais dire d'emblée qu'il n'y a de pur naïf que celui qui croit que le développement est une œuvre apolitique qui a obéit exclusivement à des considérations techniques. Donc quand on parle d'erreur dans ce contexte, nous devons plutôt de ces erreurs non-intentionnelles que nous pourrions relever dans notre évaluation des politiques publiques, encore faudrait-il que cette évaluation puisse apprécier comment et dans quelles conditions de connaissance et de savoir ont été formulées ces politiques. Et c'est là où l'évaluation peut devenir un instrument intéressant pour nous démontrer que les erreurs que nous pourrions percevoir à travers nos évaluations sont loin de relever du non-intentionnel. En effet, de telles erreurs sont liées fortement au rapport de forces qui existe dans le "théâtre de développement" au moment de la planification d'une politique publique. Et c'est là où j'adhère avec Oumar qui admet que nous n'avons pas fait beaucoup d'évaluations dans nos pays et que même quand parfois celles-ci sont faites, elles sont plutôt faites dans le cadre d'un "ballet folklorique" – très souvent "imposé" par les bailleurs de fonds étrangers. Et comme celles-ci sont faites dans le cadre de programmes et projets de développement, les retombées dans la sphère de planification des politiques publiques demeures limitées pour ne pas dire nulles et les résultats de ces évaluations ne sont jamais perçus comme des outils d'aide à la décision. Il faut bien admettre la séparation opérée dans certains de nos pays entre programmes et projets de développement financés par des bailleurs de fonds étrangers et politiques publiques monnayées par les deniers publics et qui relèvent donc le plus souvent du domaine de la souveraineté nationale.

Ceci ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres erreurs au moment de la planification de la politique publique, notamment celle liée au manque de connaissances scientifiques et techniques pour pouvoir élaborer une politique publique cohérente avec des objectifs et résultats pertinents et réalistes. De telles erreurs qui peuvent provenir d'un manque réel de connaissances (soit de compétences avérées, soit de statistiques fiables, etc.) peuvent émaner d'autres causes liées au fameux "rapport de forces" évoqué plus haut et ceci nous ramène encore à la nécessité de distinguer l'intentionnel du non-intentionnel dans nos erreurs de planification.

Il y a les erreurs liées à l'existence d'un document "un et unique" qui permet à tout lecteur de comprendre  cette politique publique dont parle un haut responsable sectoriel. J'ai vécu personnellement nombre d'exemples de hauts responsables sectoriels qui parlaient d'une politique sectorielle qui n'existait que dans leur "tête".

Il y a également les erreurs liées à la fixation d'objectifs et de résultats pertinents et clairs, évaluables, etc. Pour un spécialiste de la Gestion Axée sur les Résultats, j'en connais un bout sur la résistance qu'éprouvent certains hauts responsables sectoriels et de velléités d'éviter à ce que ce genre de débat dans le document de planification de la politique publique, quand celui-ci existe et est rendu public.  C'est pour  rendre les choses un peu plus ardues quand il faudra parler de la "redevabilité" des décideurs par rapport à l'atteinte des objectifs.

D'autres types d'erreurs peuvent être relevés par rapport à l'affectation des ressources au profit d'une politique publique et les liens logiques des ressources attribuées par rapport aux objectifs et aux résultats assignés à cette politique publique.

Enfin, il y a un autre type d'erreur qu'on peut relever par rapport à la "versatilité" de cette politique publique. Dans plusieurs secteurs, on lance une politique publique sur la base d'idées encore insuffisamment cernées ou appréhendées et que le responsable politique du secteur est impatient de mettre en œuvre sur le terrain et puis au fur et à mesure que le feed-back (incohérence, protestation, etc.) revient du terrain, on améliore le "contenu" de cette politique et on fait cela de manière récurrente pendant toute la durée de vie de cette politique, ce qui rend difficile son évaluation.

Tout ceci pour dire que le problème n'est guère dans la politique publique ni dans son évaluation. C'est tout juste que dans de telles circonstances, l'évaluation d'une politique publique élaborée dans un "carcan" administratif dénué de logique et démuni de connaissance n'est pas possible et n'aura aucun résultat probant sur l'amélioration de l'œuvre de développement… Elle ne pourra servir qu'à dire au responsable politique sectoriel ce qu'il aime bien entendre, et ceci n'est pas le rôle de l'évaluation au sens de ce qui se fait dans le monde avancé.

Bien à vous

Mustapha

 

Mustapha Malki, PhD

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Laval, QC, Canada