RE: Cohérence des interventions dans le secteur agricole | Eval Forward

La multiplicité des projets de développement est une réalité en Afrique. Au niveau de chacun des ministères, il y a souvent une multitude de projets sans réelle cohérence interne. Cette situation est la source d'une action inefficace contre les principaux problèmes socio-économiques et environnementaux en Afrique : le chômage, la faim, la pauvreté et le changement climatique. C'est le constat fait par le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) et qui a justifié la création de Task Forces politiques inter-agences dans ses actions dans le cadre du processus de lutte contre le changement climatique en Afrique.

Les réponses ci-dessous aux questions débattues permettent de mieux comprendre la situation.

1) Le foisonnement de projets agricoles et souvent de microprojets ne constitue-t-il pas un facteur négatif pour l'atteinte des résultats de développement dans le secteur agricole?

La multiplicité des interventions et des acteurs ayant des logiques, des approches, des objectifs, des stratégies et des méthodes différents pose de sérieux problèmes. En effet, la multiplicité des projets de développement génère souvent des conflits ; des conflits d'intervention que les populations bénéficiaires regardent impuissantes comme une scène. En réalité, beaucoup de ces projets se limitent à des résultats intermédiaires (outputs), de sorte que les changements qui peuvent être mesurés ou décrits sous forme d'effets et d'impacts (résultats de développement) ne sont pas atteints, du fait que d'autres facteurs importants ne sont pas pris en compte. Il peut également s'agir d'une mauvaise identification du problème de développement lui-même sur lequel le projet est basé depuis le début. Lorsque le problème identifié est un faux problème, le résultat de développement prévu ne peut être atteint, car malgré les actions, le vrai problème et ses causes demeurent. Lors de l'identification du problème, de la définition des stratégies et du choix des méthodes et des actions, il faut veiller à ce qu'il n'y ait pas de risque d'antagonisme entre les interventions sur le terrain au stade de la mise en œuvre. La multiplication des projets agricoles a souvent souffert de l'absence d'un axe fédérateur qui pourrait forcer leur cohérence.

2) Quelles sont les bonnes pratiques en matière de mise en place d’un cadre fédérateur d’interventions dans le secteur agricole ?

Comme indiqué précédemment, pour une efficacité globale, les différents programmes, projets et micro-projets devraient converger vers un axe fédérateur qui garantirait leur cohérence ; soit ils découlent d'un même plan de développement, soit d'un même plan stratégique, etc. Ce n'est pas souvent le cas. L'élaboration d'un plan de développement fédérateur au niveau de la Commune ou du District, évalué et mis à jour périodiquement, pourrait garantir de meilleurs résultats. Une autre bonne pratique consiste à exiger l'établissement d'une carte des autres acteurs intervenant dans la zone et la formalisation d'un cadre de synergie avec eux, afin d'identifier des actions complémentaires et d'éviter que plusieurs projets ne répètent les actions dans la même localité. Cette approche permet de déplacer le projet vers d'autres localités si nécessaire dans le cas où les actions des autres acteurs sont similaires à ce qui est prévu dans le nouveau projet. Au Bénin par exemple, le projet national de lutte contre le changement climatique, appelé "Projet d'adaptation basé sur l'écosystème (PABE)", qui a été lancé grâce au financement du Fonds vert pour le climat (FVC) et du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), s'inscrit dans cette approche de bonne pratique. Le PABE, lancé le 21 septembre 2020, intègre dans sa démarche l'analyse de la synergie des actions entre les autres acteurs du développement dans son domaine d'intervention.

3) Des pays ou des Organisations internationales comme la FAO ont-ils déjà mené des évaluations sur la cohérence des interventions dans le secteur agricole? si oui quels sont les principaux constats? et quelles sont les solutions possibles?

L'inventaire réalisé cette année 2020 sur les projets déjà mis en œuvre dans les sept communes/districts du PABE a révélé de nombreux autres projets en cours sur le terrain. Il s'agit d'une vingtaine de projets qui existent déjà dans les communes/districts du PABE, qui ne sont que 7 sur les 77 communes du Bénin. Il s'agit d'une initiative du PNUE et du GCF. Une phase de la solution proposée au PABE est la tenue d'un atelier afin d'établir une carte de synergie des actions avec les acteurs qui intervenaient déjà sur le terrain en matière d'agriculture et de foresterie durables. Cela a permis de disposer d'une base de données sur les acteurs en vue d'établir des partenariats, et d'identifier des actions complémentaires aux niveaux spatial et opérationnel.