EvalForward Talks: Comment communiquez-vous les résultats d'évaluation difficiles?

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©Elisabeth Kuria

De la communauté EvalForward EvalForward Talks: Comment communiquez-vous les résultats d'évaluation difficiles?

7 min.

Lors de la dernière session des discussions d'EvalForward, j'ai eu l'occasion de partager mon expérience concernant la communication des résultats d'évaluation difficiles, en m'appuyant sur l'évaluation rapide que je gère et qui porte sur la prestation de services des projets du secteur de la santé et de l'eau dans les comtés de Kericho et Kilifi.

L'un des objectifs de cette évaluation est d'identifier des leçons pour les responsables techniques et décideurs politiques afin d'améliorer la prestation de services. Pour y parvenir, un certain niveau de confiance dans l'évaluation et dans l'ensemble du processus est toutefois absolument nécessaire.

Cette évaluation de projet intervient dans le contexte des niveaux décentralisés d'administration. La mission a dû faire face à une faible compréhension et une conception erronée assez forte de l'évaluation, qui représentent des défis nationaux. Au Kenya, lorsqu'il est question d'évaluation, nombreuses sont les personnes qui la perçoivent comme un audit ou un instrument de type policier et, étant donné la corruption très répandue dans le pays, toutes ont tendance à être sur la défensive lorsqu'elles entendent parler de quoi que ce soit en rapport avec l'évaluation.

Les résultats qui sont ressortis étaient à la fois positifs et assez critiques (je tiens à préciser que même si de très bons résultats ont été obtenus, ils ne font pas l'objet de mon partage d'expérience ici).

Je souhaite partager spécifiquement ici certains des résultats critiques. Les installations de santé, construites sans égard au coût de personnel nécessaire pour les gérer présentent par exemple des lacunes en termes de durabilité/viabilité. De plus, certains projets dans le domaine de l'eau n'ont pas été complètement mis en œuvre, avec des pipelines qui ne fonctionnent toujours pas et ne sont pas reliés pour desservir les communautés prévues, bien qu'ils aient été officiellement achevés il y a quelques années. En plus de ces inconvénients, les communautés se sont senties exclues des étapes de la programmation et de la mise en œuvre de ces projets et l'ont soulevé comme problème car cela a affecté leurs vies. Il fallait donc également répondre à un manque de confiance.

Dans ces circonstances, j'ai dû affronter la conception erronée de l'évaluation comme "instrument de type policier" et assurer des retours et un suivi constructif sur les résultats de l'évaluation.

Voici ce que le processus d'évaluation a pris en charge sous ma coordination dans ce contexte.

Tout d'abord, le nécessaire travail de plaidoyer prévu a été mené pour démystifier l'évaluation et obtenir l'adhésion des parties prenantes pertinentes. Les préparations afin de communiquer et obtenir l'adhésion aux résultats auprès des contreparties/donateurs/décideurs politiques ont débuté plus tôt et ont été menées à toutes les étapes des processus de l'évaluation. La communication a été élargie autant que possible à toutes les parties prenantes pertinentes, notamment les dirigeants politiques et les responsables techniques à tous les niveaux. Cela a permis de garantir la transparence et des consultations approfondies assurant une compréhension commune. Des formations sur l'évaluation rapide pour les responsables techniques ont été délivrées pour une meilleure compréhension du processus.

Tout ceci a requis des missions d'évaluation sur le terrain lors de la phase initiale nécessitant des coûts et une durée supérieurs à ceux des rapports initiaux ordinaires, basés principalement sur des revues documentaires. Toutes ces missions et consultations avaient comme message central la vocation des évaluations à l'apprentissage et l'amélioration et non à la "personnalisation" et/ou à "l'épinglage".

Un groupe de référence veillant au contrôle de la qualité, composé de représentants des institutions participantes, était en place.

J'ai l'espoir que si les conclusions de l'évaluation sont présentées à travers des synthèses succinctes et de facile lecture – plutôt que dans de longs rapports – les parties prenantes seront rapidement à même d'en prendre connaissance et de s'intéresser à la mise en œuvre des recommandations en vue de l'amélioration.

Lors de la présentation de mon expérience au cours de la session informelle d'Evalforward, les participants présents ont exprimé leurs inquiétudes quant aux problématiques existant également dans leur propre contexte en ce qui concerne la compréhension de l'évaluation et la prise en compte personnelle du processus et des résultats, notamment dans certaines cultures.

Selon un participant, dans de nombreux cas la communication des résultats critiques pose problème et doit être bien pensée, notamment du fait que les projets et leurs résultats sont souvent "personnalisés".

Voici quelques-unes des leçons et suggestions que j'ai retenues de la discussion:

  • Laisser les faits parler d'eux-mêmes: quand il est question de communiquer des résultats, certaines approches permettent de laisser les preuves parler à votre place. Cela suppose de mettre les éléments factuels au premier plan de façon transparente et d'une manière qui ne mette pas en difficulté le projet ou l'Organisation, en utilisant différents types de communication: par exemple des entretiens vidéo de personnes impliquées en tant que bénéficiaires des interventions et livrant leur version de ce qui s'est passé ou des blogs dans lesquels les problèmes sont abordés dans un langage clair et informel.
  • Partager les résultats préliminaires en avance, afin d'éviter qu'ils ne surgissent comme par surprise, le temps permettant de les digérer, de poser des questions et de leur donner un sens.
  • Impliquer les communautés et les parties prenantes cibles lors des différentes étapes de l'évaluation, plutôt que de se rendre auprès d'elles, de poser énormément de questions et de repartir. Cela permettra également de créer un sentiment de confiance et d'appropriation.
  • Contribuer au développement d'une culture de "l'apprentissage et de l'amélioration", en opposition à celle du "lynchage", où l'évaluation serait perçue comme une "arme". Au sein d'une organisation, cela pourrait passer à travers la célébration des échecs de manière amusante et facile en élaborant des histoires de changement et en les partageant lors d'événements – ce qui peut faciliter une culture plus ouverte de l'échange de la connaissance et montrer combien il est possible d'apprendre et de s'inspirer de ces histoires.
  • Suivre les activités – comme dans l'approche de la réponse de la direction utilisée dans les grandes organisations – qui demande à l'équipe de projet de réagir aux conclusions et recommandations de l'évaluation en créant une liste de contrôle et un calendrier qui indiquent quelles recommandations seront mises en œuvre ou traitées, à quelle période et de quelle manière.
  • Cibler la communication sur différents publics cibles.

Il va de soi qu'une évaluation solide, rigoureuse, transparente et basée sur les preuves ne pourra qu'être bénéfique à l'image et la reconnaissance de l'évaluation parmi les parties prenantes. À cet égard, la triangulation des sources de données, la cartographie appropriée des parties prenantes et le choix attentif des méthodes sont essentielles pour soutenir l'acceptation des résultats et de la pratique de l'évaluation en général.

Je souhaite de nouveau remercier tous les participants de la session et vous invite tous à partager d'autres commentaires ou observations que j'aurais pu oublier, en utilisant l'encadré ci-après prévu à cet effet.