Dans un récent e-Panel, tenu conjointement par AVANTI et EvalForward, nous avons examiné le rôle du leadership pour instiller une culture de gestion axée sur les résultats (GAR) dans l’agriculture africaine en se référant à des faits attestés.
Trois intervenants, Angela Dannson, Elias Segla et Ian Goldman ont partagé des exemples réels, fondés sur leur expérience du leadership dans l’agriculture africaine. Trois éléments émergent selon moi: l’importance des promoteurs aux plus hauts niveaux comme celui de la présidence, le leadership au niveau institutionnel et la mobilisation des réseaux au sein et en dehors du gouvernement.
1. L’importance des promoteurs aux plus hauts niveaux comme celui de la présidence
Au Bénin, la présidence n’a pas laissé la GAR aux mains du hasard mais stimule et intègre la culture des résultats dans le secteur agricole. Elle a lancé une initiative au niveau national visant à stimuler les résultats et la responsabilité, notamment en nommant un ministre chargé de la planification et du développement ayant pour mandat de superviser l’obtention des résultats. Afin d’institutionnaliser le programme d’orientation sur les résultats, une politique d’évaluation nationale d’accompagnement a été promulguée et est actuellement mise en œuvre. Le Gouvernement assure non seulement cette mise en œuvre mais aussi l’évaluation et l’examen des résultats obtenus pour améliorer les faiblesses identifiées à ce jour. Pour qu’une telle culture des résultats puisse s’épanouir dans le pays, la stabilité et la cohérence du leadership dans la durée sont indispensables. Dans le cas du Bénin, le pays a maintenu à son poste - en dépit des changements à la tête du pays - le ministre en charge de la planification et du développement, assurant ainsi des améliorations importantes, la cohérence et la diffusion d’une culture des résultats. Cette situation est particulièrement frappante et rare lors de changements du pouvoir politique.
2. L’importance du leadership au niveau institutionnel
Le leadership n’est pas essentiel seulement au niveau de la présidence, mais aussi au sein des institutions telles que les ministères. Au Ghana, un ministère dédié au suivi & évaluation (S&E) a été créé pour superviser et mettre en œuvre le programme axé sur les résultats sous la direction d’un ministre d’État. Disposant d’une expérience technique dans le domaine agricole, ledit ministre est considéré avoir contribué à instiller une culture de la GAR. Afin de rendre opérationnel le mandat de ce ministère, le gouvernement a provisionné un budget annuel destiné à assurer la collecte, l’analyse et la communication des données. À travers son cadre de développement national, le Ghana a rendu compte des résultats relatifs à différents protocoles signés par le pays, comme par exemple la déclaration de Malabo et le Programme à l’horizon 2030. Le pays a institué des programmes agricoles phares appuyés par des structures de suivi et de contrôle ayant pour objectif de suivre les résultats et communiquer les progrès aux citoyens. À la lumière de mon expérience d’évaluation au Ghana, le programme phare «Planter pour l’alimentation et l’emploi» a réalisé des avancées certaines dans la bonne direction, bien que quelques améliorations puissent encore être apportées.
Tirant des leçons du travail et des études menés au Bénin, l’Afrique du Sud et l’Ouganda témoignent aussi de l’importance du rôle des dirigeants au niveau intermédiaire pour intégrer la GAR. Les questions des intervenants du e-Panel ont révélé qu’il y a encore du chemin à parcourir vers une compréhension de l’efficacité des interventions en opposition à l’attention actuelle portée au suivi du niveau des produits dans un souci de compte-rendu et de conformité. Tous les intervenants ont reconnu l’existence de disparités de leadership et de capacité au niveau du terrain et au niveau intermédiaire, qui affectent involontairement la qualité des données aux niveaux agrégés régionaux et nationaux. Étant une inconditionnelle de la qualité des données, cette triste réalité me brise le cœur car la qualité des données au niveau national ne peut que refléter la qualité des données sous-nationales qui les alimentent.
3. Mobiliser les réseaux au sein et en dehors du gouvernement
Dernier point mais non des moindres, l’importance des dirigeants qui mobilisent les réseaux et les alliances pour améliorer la culture des résultats. Les exemples du Bénin, de l’Afrique du Sud et de l’Ouganda ont montré le rôle du leadership en dehors des structures et systèmes gouvernementaux. Ce rôle semble dépasser le niveau individuel et prendre en compte les actions collectives d’autres acteurs non étatiques dans le secteur. Une relation de confiance et des partenariats entre les acteurs étatiques et non étatiques doivent donc être établis. Au Bénin, en Afrique du Sud et en Ouganda, les gouvernements ont mobilisé les ressources de Twende Mbele (réseau d’organisations de la société civile utilisant le S&E pour améliorer la performance et la responsabilité des gouvernements africains). Je crois qu’il y a beaucoup à apprendre de cet exemple, compte tenu du caractère politique des données et de la nature sensible du traitement des statistiques au niveau national. Quelques bons exemples de mobilisation des réseaux dans l’ensemble du secteur ont été cités au Ghana. Le Gouvernement reçoit une aide budgétaire affectée au S&E de la part du Gouvernement canadien. En outre, le pays a créé un groupe de travail très dynamique dans le secteur agricole (ASWG), disposant d’un sous-groupe dédié au S&E. L’aperçu que j’ai pu avoir de l'ASWG me pousse à le citer comme exemple à suivre pour les autres pays. Les réseaux internes du Gouvernement englobent au-delà du Ministère de l’alimentation et de l’agriculture des institutions d’autres secteurs comme le Ministère des Finances, le Service statistique du Ghana et la Commission pour la planification du développement national. Au-delà de la mobilisation des réseaux, les dirigeants étatiques et non-étatiques doivent disposer de l’habilité politique nécessaire pour identifier, négocier et optimiser les opportunités afin d’influencer la prise de décision fondée sur les preuves.
La légitimité des dirigeants africains pour parler de leur expérience du rôle du leadership dans la GAR au sein des gouvernements africains était en soi surprenante. En tant qu’Africaine et évaluatrice, ce e-Panel m’a plutôt rassurée au vu des réussites ponctuelles et des progrès possibles pour instiller une culture des résultats dans les institutions gouvernementales nationales. Il me conduit à me demander maintenant si suffisamment de choses sont entreprises dans le secteur du développement pour renforcer le rôle clé du leadership dans la GAR. Dans le cadre d’AVANTI et d’EvalForward, nous nous efforçons de mettre à profit notre expérience et nos réseaux pour partager les connaissances sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas pour la GAR dans le domaine de l’agriculture et de la sécurité alimentaire.
Ce blog est publié aussi sur le site de AVANTI. Consultez nos sites respectifs pour découvrir d’autres plateformes de connaissances et opportunités d’apprendre.