Avez-vous déjà remarqué que les bénéficiaires ont toujours tendance à sourire sur la couverture des rapports de développement? Je me suis parfois demandé dans quelle mesure cela était réaliste. Du point de vue de la communication, cela permet sans aucun doute de brosser un joli tableau. Mais est-ce le bon? Je crois que la réponse dépend principalement du public ciblé par le rapport – ou, autrement dit, de l'objectif visé. L'objectif visé par un rapport d'évaluation est généralement très clair, dans la mesure où il découle des principes qui régissent les processus d'évaluation de l'organisation. Dans le cas du FIDA, par exemple, les principes directeurs du Bureau indépendant de l'évaluation (IOE) sont "la redevabilité, l'apprentissage, l'indépendance et le partenariat". Oui, tout à fait, "redevabilité et indépendance": deux mots qui tirent la sonnette d'alarme et poussent normalement les gens à se cacher. Où cela nous mène-t-il exactement en matière de communication? Un peu dans une énigme pour être honnête.
Par rapport aux outils de communication habituels utilisés pour promouvoir la plupart des rapports de développement, les approches communicatives permettant d'augmenter la visibilité, la portée et la consommation des résultats de l'évaluation présentent un ensemble assez particulier d'opportunités et de défis. C'est un jeu de balle complètement différent. La conception erronée et malheureuse selon laquelle les évaluateurs sont une sorte de policiers, à l'abri dans leurs tours d'ivoires où ils passent la plupart de leur temps ignorant béatement les difficultés des opérations sur le terrain et descendant auprès d'un personnel de projet récalcitrant, n'augure rien de bon pour l'acceptation de leur travail – et encore moins pour sa visibilité. Et c'est même pire. La nécessité pour les bureaux d'évaluation de veiller à la redevabilité de leur organisation risque de mettre les équipes de communication de l'entreprise et de l'évaluation à couteaux tirés.
Je dois reconnaître que c'est un scénario plutôt lugubre. Est-ce exagéré? Peut-être. Est-ce inévitable? Sûrement pas. J'ai mené récemment une évaluation approfondie des efforts de l'IOE en matière de communication. Ce travail s'est inspiré des meilleures pratiques des principales institutions financières multilatérales de développement au niveau mondial et appuyé sur les contributions généreuses de spécialistes de la communication et de la gestion de la connaissance des bureaux d'évaluation des banques internationales de développement, des programmes et fonds des Nations Unies et du monde universitaire. Après avoir consacré un temps convenable à la dissection des résultats, la triangulation des données et l'analyse des tendances, j'ai décidé de faire un pas en arrière et de réfléchir à l'essence sous-jacente de tout ce que j'avais réuni. Ainsi sont nées les six réflexions suivantes sur la manière de relever les défis récurrents en matière de communication des évaluations.
- Encourager l'engagement – Maximiser les opportunités d'interaction des parties prenantes avec les bureaux d'évaluation de manière proactive: le dialogue avec les parties prenantes ne prend pas fin avec le rapport d'évaluation. La première chose que j'ai notée est que les produits d'évaluation devraient montrer comment les bureaux s'adressent à leurs parties prenantes de manière ouverte et accueillante et encouragent leur sentiment d'autonomie en sollicitant leurs contributions même après l'achèvement d'une évaluation. Cela signifie que les produits de communication doivent être la porte ouverte à un échange continu, ouvert et engagé avec les parties prenantes pour s'assurer qu'ils continuent à se sentir connectés avec le bureau au-delà de la fin du processus d'évaluation.
- Développer l'empathie – Créer des liens personnels, un sentiment d'empathie entre les bureaux d'évaluation et les parties prenantes: instaurer une image moins institutionnelle pour une marque plus personnelle. J'ai également constaté que les bureaux d'évaluation doivent montrer que de vraies personnes sont présentent derrière le logo, des personnes attentives, qui ont à cœur l'organisation, son personnel et les bénéficiaires qu'elle sert. Cela nécessite que les bureaux d'évaluation soient "aimés" par leurs parties prenantes, afin de surmonter la perception de leur rôle comme un rôle d'investigation, qui déclenche chez les utilisateurs un désir (tacite) de prendre de la distance par rapport à leur travail.
- Cultiver le public – Cartographier les parties prenantes, les élargir, approfondir et diversifier au maximum, et identifier les clients prioritaires. Mes conclusions suggèrent également que les bureaux d'évaluation devraient veiller à ce que la portée de leurs produits dépasse largement le cercle fermé des spécialistes d'évaluation et des experts techniques, pour embrasser des horizons bien plus larges. Cela signifie que les bureaux d'évaluation devraient non seulement élargir la base des parties prenantes de leur communication mais aussi – avant cela – comprendre qui sont leurs parties prenantes et définir une manière de les regrouper et classer.
- Répondre aux besoins – Le bon message pour les bons destinataires à travers le bon produit. Il est apparu également essentiel de connecter les parties prenantes avec des messages et des produits de communication. Les bureaux d'évaluation devraient tout d'abord comprendre le type d'informations dont leurs différentes parties prenantes ont besoin. Ils devraient ensuite trouver la manière appropriée de personnaliser le contenu selon les destinataires visés sélectionnés. Cela signifie également veiller à "un équilibre entre une communication réactive et proactive". Cet équilibre devrait toujours répondre aux intérêts et besoins des utilisateurs (réactive), tout en modifiant progressivement les tendances de consommation des utilisateurs (proactive), en vue d'assurer des synergies plus étroites entre les préférences de consommation et les produits de communication.
- Révéler la présence – Être perçus comme crédibles, dignes de confiance, faisant autorité et respectables. Être perçus comme présents. Les bureaux d'évaluation devraient montrer à leurs parties prenantes que les enseignements, recommandations et messages présents dans les rapports d'évaluation génèrent l'intérêt et l'engagement d'une large gamme de publics distincts, renforçant ainsi l'appréciation de la portée de la fonction d'évaluation et soulignant leur rôle crucial dans la fonction dite de mise en œuvre.
- Apporter de la valeur – Garantir la crédibilité; créer des opportunités de changement. Ma réflexion finale est que l'accent mis uniquement sur ce qui est positif n'est pas du tout suffisant. Les bureaux doivent promouvoir des opportunités de réflexion critique et de dialogue entre différentes parties prenantes et groupes de parties prenantes à travers leurs produits de communication, de manière à jouer un rôle de premier plan dans la discussion mondiale sur le développement. Cela implique de donner la visibilité appropriée aussi bien aux défis qu'aux opportunités d'amélioration en tirant parti de l'indépendance intellectuelle – où réside la valeur ajoutée.
Sans prétendre être des principes directeurs universellement valables, ces propositions sont de simples éléments de réflexion pour alimenter les idées et souligner la nécessité d'une approche stratégique pour communiquer sur les évaluations.
Car s'il est vrai, comme c'est le cas, que les bureaux d'évaluation ont une place unique pour encourager la réflexion critique et le dialogue entre différentes parties prenantes, c'est en adoptant une approche stratégique de la communication qu'ils peuvent promouvoir des discussions honnêtes en vue du changement[1] – discussions qui saisissent des opportunités de croissance et donnent ainsi force et crédibilité aux succès futurs de l'organisation.
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[1] W.K. Kellogg Foundation (2017). The Step-by-Step Guide to EVALUATION: How to Become Savvy Evaluation Consumers. W.K. Kellogg Foundation, USA, pp.199. [Le guide étape par étape de l'ÉVALUATION: comment consommer les évaluations de manière astucieuse]. Extrait de https://www.wkkf.org/resource-directory/resource/2010/w-k-kellogg-foundation-evaluation-handbook