RE: Developing effective, inclusive and gender responsive MEAL systems | Eval Forward

Afin d’élaborer des systèmes MEAL efficaces, inclusifs et sensibles au genre, il conviendrait probablement d’interroger le niveau des ressources disponibles et mobilisables : 

  1. D’abord la question des ressources humaines. Quelles sont les ressources humaines disponibles localement ? Si l’on recherche des personnes qui pratiquent l'évaluation et qui ont une expertise sur les questions de genre, bien entendu dans nos pays ces expertises existent, mais où se trouvent-t-elles présentement ?

Elles se trouvent dans le système des Nations Unies, elles se trouvent dans quelques ONG internationales, elles se trouvent dans quelques ministères. Par conséquent, si nous cherchons des personnes qui ont une expertise en évaluation et en genre, et qui sont disponibles pour conduire des missions d’évaluation, nous sommes rapidement en difficulté.

Cela se traduit dans la qualité des travaux évaluatifs menés sur les questions de genre qui ont donc énormément de faiblesses, car les personnes qui mènent ces évaluations n’ont pas la maîtrise des outils d’analyse de genre. Ces personnes n’ont pas une expertise suffisante pour analyser la complexité qui se trouve généralement dans ces problématiques. On va donc voir des rapports qui abordent la question de la participation des hommes et des femmes, mais n’évoquent pas les autres questions comme les normes et pratiques sociales néfastes aux filles et aux femmes, les rapports de pouvoirs inégaux et la participation aux sphères de décision, la division sexuelle du travail et la charge de travail des hommes et des femmes, les violences basées sur le genre, le harcèlement sexuel, les exploitations et abus sexuels, … 

Parfois, l’intégration du genre se fait autour d’un axe ou d’une partie du document livrable, et sacrifie ainsi la transversalité de la prise en compte du genre. Ainsi, le genre se retrouve uniquement dans une partie dédiée alors qu’il devrait se retrouver à tous les nouveaux d’analyse, quelque soit la partie du travail. D’ailleurs la commande des évaluations est elle-même responsable. Le genre est commandé comme un élément qui vient s’ajouter à une évaluation, alors que c’est le processus évaluatif qui doit prendre en compte le genre. L’évaluateur devrait analyser la pertinence genre, l’efficacité genre, …. et pas faire une partie sur le genre.

Les ressources chargées du suivi-évaluation au sein des ministères ont-elles été formées sur le genre? Je laisse à chacun le soin d’apporter la réponse qui s’applique à son terrain.

  1. La ressource « temps » est également à prendre en compte. Or le temps manque toujours pour mener les activités requises. 

Prenons par exemple des outils courants :

  • Le profil d’activités des parties prenantes dans une communauté ou le profil d’accès aux ressources ou de contrôle de celles-ci sont vraiment des outils basiques dans l'analyse de genre : dans une communauté, il faut compter environ 3 heures pour construire cela de manière participative avec les participant·e·s sur un site et donc ça demande du temps.
  • Le profil de l’agenda journalier des hommes et des femmes qui pratiquent la même activité dans le même contexte, outil qui permet de mettre en évidence la charge de travail des hommes et des femmes, répartie sur les questions de production, les questions de reproduction, les activités politiques et sociaux-communautaires, prend lui aussi beaucoup de temps pour sa construction.
  • Les cadres de suivi évaluation n’intègrent pas souvent le genre, et l'équipe d’évaluation doit alors d’abord construire ce qui aurait pu être le cadre de suivi des changements en matière de genre, avant de “chercher” les effets et impacts qui ont pu se produire! Tout ceci prend du temps.

 

  1. On peut également relever la question des ressources financières. Les ressources financières prévues pour mener les activités de genre restent insuffisantes. Quels sont les moyens financiers que les parties prenantes sont prêtes à mobiliser ? Jusqu'ici, on a beau le dire, le genre a tendance à être perçu et pratiqué comme un appendice, comme quelque chose qui vient s’ajouter à un quelque chose qui existe déjà. On écrit un projet et après on vient regarder ce que l’on peut ajouter sur les questions de genre.

De ce fait, les budgets alloués aux questions de genre sont habituellement très faibles, ce qui ne donne pas la possibilité de faire véritablement des activités qui devraient être menées. Les exercices comme la budgétisation sensible au genre ne sont pas entrepris lorsque les projets sont en formulation!

La mobilisation de ces trois ressources forme un ensemble de défis qui font que les questions de genre ne sont pas véritablement prises en compte dans les projets, les programmes et les politiques mais également dans les évaluations. De quels délais disposons-nous pour que de tels systèmes soient probants ?

Ce constat posé sur la prise en compte des questions de genre vaut également pour les autres populations vulnérables : les personnes en situation de handicap, les populations en migrations forcées, les populations autochtones, les enfants, ...

Thaddée Yossa