Suivi et évaluation : est-ce la combinaison parfaite pour répondre aux besoins des décideurs ?
Chers Membres de EvalForward,
J'ai eu la chance de travailler au Bureau de l'évaluation du Benin de 2015 à 2021 et, depuis quelques mois, je m'occupe du suivi des projets, programmes et réformes du gouvernement.
Sur la base de mon expérience, bien que le suivi et l’évaluation soient jumelles, il me semble que les données de suivi appuyées par un bon système statistique répondent mieux aux exigences des décideurs politiques, en premier lieu puisqu’elles leur permettent de prendre des décisions rapidement et en temps réel. L'évaluation est essentielle pour tirer des leçons et pour apprendre de nos performances et aussi de nos erreurs dans la gestion des interventions publiques. Elle est également utile pour la recherche et le progrès scientifique à cause des nombreuses connaissances empiriques qui émergent des études évaluatives. Mais, en bref, pour aider à prendre rapidement des décisions éclairées par des preuves, surtout en situation d'urgence, le suivi est l'outil le plus adapté.
J’ai réfléchi plus amplement sur ces enjeux dans le cas du Benin dans ce blog.
Quel est votre expérience et avis sur ce sujet ?
- Les décideurs dans vos pays utilisent-ils les données du suivi et des statistiques ou s'appuient-ils sur l'évaluation ?
- Quelle est la valeur ajoutée qu'ils - les décideurs - voient réellement dans l'évaluation ?
- Et comment l'évaluation devrait-elle évoluer pour mieux s'adapter aux besoins des décideurs – par exemple sur les temps de productions des rapports ?
Merci d’avance,
Elias SEGLA
Chargé d’études suivi et évaluation
Présidence de la République du Bénin
Elias Akpé Kuassivi Segla
Spécialiste en suivi-évaluation, chargé d'études senior Présidence de la République du BéninSynthèse de la discussion
On peut dire globalement qu’en fonction des contextes et des expériences vécues, la pertinence de cette combinaison peut être remise en cause afin de mieux répondre aux besoins de la prise de décision.
Trois questions essentielles :
1. Les décideurs utilisent-ils les données du suivi et des statistiques ou s'appuient-ils sur l'évaluation ?
L'évaluation prend du temps et ses résultats prennent du temps. Peu de décideurs ont le temps de les attendre. En un rien de temps, leur mandat arrive à son terme, ou il y a un remaniement du gouvernement. Certains ne sont peut-être plus en fonction au moment où les résultats de l'évaluation sont publiés.
Pour cette raison, les données de suivi constituent le premier instrument d’aide à la décision. En effet, les décideurs sont prêts à utiliser les données du suivi car elles sont facilement disponibles et simples à utiliser, sans se préoccuper des méthodes qui ont permis de les générer. Ils utilisent moins les preuves évaluatives car celles-ci ne sont pas générées à temps pour leur permettre de les utiliser.
Le suivi, étant un processus fournissant régulièrement des informations, il permet de prendre des décisions rapidement. Un bon suivi implique, forcément, la réussite d'un projet ou d'une politique, puisqu'il permet de corriger et de rectifier rapidement une situation non prévue ou une contrainte donnée. Par ailleurs, plus l'information est fiable et pertinente, plus le suivi est efficace. A ce titre, divers services étatiques (centraux et déconcentrés, y compris les projets) s'attèlent à la production des statistiques ou à faire des estimations, parfois avec beaucoup de peines et des erreurs dans certains pays.
Toutefois, les statistiques produites doivent être correctement analysées et interprétées pour tirer des conclusions utiles à la prise de décisions. C'est justement à ce niveau qu’il y a des problèmes, car beaucoup de cadres pensent que les statistiques et données sont déjà une fin en soi. Or, les statistiques et données de suivi n’ont leur pertinence et utilité que lorsqu’elles sont de bonne qualité, collectées et analysées au bon moment, utilisées pour produire des conclusions et enseignements en relation avec le contexte et la performance. Ceci est important et nécessaire pour la fonction d’évaluation.
2. Quelle est la valeur ajoutée que les décideurs voient réellement dans l'évaluation ?
L'évaluation nécessite plus de temps, puisqu'elle est adossée à la recherche et l'analyse. Elle permet aux décideurs de revoir les stratégies, corriger certaines actions et certaines fois revoir les objectifs, s'ils sont jugés trop ambitieux ou irréalisables, une fois la politique mise en œuvre.
Une évaluation robuste doit partir des informations de suivi (statistiques, interprétations et conclusions) existants. Un challenge auquel l’évaluation (surtout externe ou indépendante) fait toujours face est la disponibilité d’un temps limité pour générer les conclusions et enseignements, contrairement au suivi qui est permanemment sur le terrain. Et donc dans cette situation, la disponibilité de données de suivi est d’une importance capitale. Et c’est justement par rapport à ce dernier aspect que les évaluations ont des difficultés à trouver des preuves permettant de faire des inférences pertinentes sur différents aspects de l’objet évalué. Il ne faut pas blâmer l’évaluation, si les données et informations de suivi sont inexistant ou de qualité médiocre. Par contre, il faut blâmer une évaluation qui tire des conclusions sur des aspects qui souffrent d’absence de preuves, y inclus les données et informations de suivi. Donc l’évolution de l’évaluation doit se faire de façon concomitante à l’évolution du suivi.
Par ailleurs, il est très important de valoriser les producteurs de données et de leur faire un retour de l’utilisation qui a été faite des données dans l’évaluation et la prise de décision. Ceci afin de donner du sens à la collecte de données et de sensibiliser les décideurs à son importance.
3. Comment l'évaluation devrait-elle évoluer pour mieux s'adapter aux besoins des décideurs – par exemple sur les temps de production des rapports ?
Un appel aux actions innovantes : des évaluations en temps réel, rapides mais rigoureuses, si nous voulons vraiment que les preuves évaluatives soient utilisées par les décideurs.
Lorsque l’évaluation s’appuie sur des évidences et des sources triangulées, ses conclusions et enseignements sont très bien pris en compte par les décideurs politique, lorsque ces derniers sont briefés et informées de manière adéquate, car ils y voient une approche plus complète.
4. Quelques défis du suivi et de l’évaluation
Dans les pays en voie de développement, la remontée de l'information de la locale vers la centrale et sa consolidation, constituent la principale contrainte du suivi et de l'évaluation. En effet, l'information manque souvent de fiabilité, ce qui se répercute inévitablement sur les décisions qui seront prises.
Malheureusement le système de suivi et évaluation ne reçoit pas le financement adéquat pour son fonctionnement et ceci impacte les résultats escomptés des programmes et projets.
Toutefois, le problème se pose avec beaucoup plus d’acuité dans les programmes et projets publics qu’au niveau des projets financés par des bailleurs. Ces derniers ont la plupart du temps un bilan concluant avec en général un minimum de 90% d'exécution, d'atteinte des objectifs de performance grâce à un système de suivi évaluation adapté (recrutement de professionnel, financement du dispositif …). Mais après le départ des bailleurs, il y'a plus de continuité, en raison du manque de stratégie de pérennisation des interventions et du dispositif de suivi évaluation (acteurs et outils). Les raisons en sont souvent (i) le manque de transition entre les spécialistes M&E du projet et les acteurs de l'état ; (ii) le manque de ressources humaines ou spécialistes qualifiés au niveau des structures publiques, mais aussi (iii) le manque de politique ou d'engagement de l'Etat pour financer ce dispositif après le cycle du projet.
5. Questions en perspective
6. Approches de solution
La disponibilité des ressources pour la fonctionnalité des dispositifs de suivi-évaluation doit être examinée à deux niveaux : d'abord au niveau des ressources humaines et ensuite au niveau des ressources financières.
Au niveau des ressources humaines, il faudrait déjà que les projets et programmes commencent à intégrer le transfert de compétences en suivi-évaluation aux bénéficiaires pour assurer la continuité de l'exercice à la fin du projet.
En ce qui concerne les ressources financières, dans la planification budgétaire des composantes, il faut toujours y introduire une ligne prévisionnelle pour les composantes transversales afin d'avoir une disponibilité pour leurs fonctionnalités. Aujourd'hui dans plusieurs canevas de bailleurs, cette ligne est prévue.
Une des options pour diminuer les coûts est de s’appuyer le plus possible sur les usagers (les agriculteurs, les pêcheurs…) pour collecter les données (au lieu d’utiliser uniquement des enquêteurs « professionnels »).
7. Conclusion
Le suivi et l’évaluation sont tous les deux importants (au sens où ce sont deux démarches différentes qui ne se remplacent pas l’une et l’autre) et le suivi est important pour l’évaluation (on fait de meilleures évaluations avec un bon système de suivi). Ce sont donc deux démarches différentes mais complémentaires.
De bonnes données de suivi constituent le fondement d'une bonne évaluation. Ils se complètent, le suivi permet d'être clair sur l'évolution de la mise en œuvre et les ajustements, le cas échéant, dans la mise en œuvre et avec une évaluation, en plus de valider les calculs et les données de suivi, il est possible de leur donner un sens et une explication, des informations opportunes pour les décideurs.
Les données de suivi permettent de concevoir des actions et des politiques subséquentes. Avec l'évaluation, la conception est ajustée et le suivi peut également être amélioré, car en tant qu'évaluateur, j'essaie de donner des recommandations pour améliorer le suivi.
Richard Tinsley
Professor Emeritus Colorado State UniversityEn examinant les diverses contributions à cette importante discussion, je constate que le problème est souvent centré sur les ressources financières. Je pense que ce point est souvent crucial mais qu'il doit être considéré dans le contexte économique global de la plupart des pays bénéficiaires. En examinant l'environnement économique global des pays bénéficiaires, je les ai définis comme étant économiquement supprimés. C'est-à-dire qu'ils servent une population majoritairement appauvrie qui consacre jusqu'à 80 % de ses revenus ou de sa production agricole aux besoins alimentaires essentiels de la famille. Cela laisse très peu de revenus discrétionnaires pour acheter d'autres biens nécessaires et former une base d'imposition pour fournir les revenus du gouvernement afin de soutenir les services gouvernementaux. Pas d'impôts/pas de services. Ainsi, la plupart des fonctions publiques des pays d'accueil sont à peine en mesure de fournir des avantages personnels en termes de salaires, de retraites, de soins de santé et éventuellement de logement aux fonctionnaires. Cela ne laisse que peu ou pas de fonds pour les coûts opérationnels tels que les déplacements sur le terrain pour effectuer une analyse de suivi et d'évaluation des projets. Ainsi, ils n'ont guère d'autre choix que de s'appuyer sur des expériences de référence sur l'efficacité de diverses innovations, qui peuvent ou non être précises, voire plus propagandistes qu'analytiques. De plus, dans le cadre de ces restrictions financières, il est peut-être préférable de supposer l'efficacité et d'utiliser les rares ressources financières pour promouvoir d'autres innovations. Veuillez consulter les pages Web suivantes (en anglais) :
https://agsci.colostate.edu/smallholderagriculture/financially-suppress…;
https://agsci.colostate.edu/smallholderagriculture/financially-stalled-…;
Merci
Dreni-Mi Mahamat Djimé
Assistant au Secrétaire Général du Ministère de l"Agriculture Ministère de l'Agriculture/Ancien Directeur des Etudes de la Planification et du SuiviBonjour Cher ami.
Comment faire pour changer le paradigme? Nous disons que nous nous engageons pour un développement durable, c'est-à-dire les résultats obtenus en matière de développement doivent évoluer de manière progressive dans le temps, soutenu et résilient à tous les changements inattendus (Crise économique) . Alors ce que nous cherchons dans nos pays respectifs, c'est des engagements politiques forts et des financements significatifs sur nos ressources propres pour nos plans de développement économique et social. Un accent particulier doit être porté sur le financement du mécanisme de suivi et évaluation mis en place.
Pour ce faire, il faut développer la culture de l'évaluation au niveau national. Il faut que toutes les parties prenantes s'accordent sur celà. Le questionnement c'est comment faire comme on est très en retard et le peu de ressources doivent absolument booster le changement à travers une gestion rationnelle? Réfléchissons sur ça ensemble. Ces idées qui nous taraudent la tête.
Je vous remercie.
Alyou Abdou Ali Tazard
Spécialiste Suivi -Evaluation Projet Leraning Improvement for resultst in Education (Projet LIRE-Niger)Les questions posées sont très pertinentes. Pour ma part, j'ai constaté que les décisions sont plutôt basées sur les données brutes du suivi sans pour autant analyser le pourquoi de telle ou telle situation. Ce qui nous amène dans un éternel recommencement .
Valeur Ajoutée de l'évaluation : Voir réellement dans l'évaluation avant de prendre une décision, permettra de décider en connaissance des causes et en maitrisant les tenants et les aboutissant.
Dans nos pays en développement, généralement les administrations publiques ne font presque pas d'évaluation après une intervention. Les investissements financés sur le budget national ne font pas l'objet d'évaluation, ils sont reconduits sans véritablement analyser s'ils produisent les effets recherchés ou pas. Il est impératifs d'instaurer une culture de résultats dans nos administrations publique. Ce qui forcement amener tout un chacun à évaluer sa pratique et apporter des mesures correctives chaque fois que c'est nécessaire.
KOUESSI MAXIMIN ZACHARIE KODJO
Lead Evaluation Officer IFADCher Elias, Chers collègues.
Les questions posées sont pertinentes, mais les réponses varient en fonction des contextes des expériences vécues. Pour ma part, cela fait une vingtaine d'années que je travaille nommément dans les domaines du suivi et de l'évaluation, avec une majeure partie (60-65%) dans le suivi et le reste dans l'évaluation.
Par rapport à la première question, oui le premier recours aux décideurs pour la prise de décision sont les données de suivi. A ce titre, divers services étatiques (centraux et déconcentrés, y compris les projets) s'attèlent à la production desdites statistiques ou à faire des estimations, parfois avec beaucoup de peines et des erreurs dans certains pays. Mais les statistiques produites doivent être correctement analysées et interprétées pour tirer des conclusions utiles à la prise de décisions. C'est justement à ce niveau qu’il y a des hics, car beaucoup de cadres pensent que les statistiques et données sont déjà une fin en soi. Non pas du tout, et donc les statistiques et données de suivi n’ont leur pertinence et utilité que lorsqu’elles sont : de bonne qualité, collectées et analysées au bon moment, utilisées pour produire des conclusions et enseignements en relation avec le contexte et la performance. Ceci est important et nécessaire pour la fonction d’évaluation qui doit suivre cela.
Donc par rapport à la seconde question et la troisième, au vu de ce qui précède, une évaluation robuste doit partir des informations de suivi (statistiques, interprétations et conclusions) existants. Un challenge auquel l’évaluation (surtout externe ou indépendante) fait toujours face est la disponibilité d’un temps limité pour générer les conclusions et enseignements, contrairement au suivi qui est permanemment sur le terrain. Et donc dans cette situation, la disponibilité de données de suivi est d’une importance capitale. Et c’est justement par rapport à ce dernier aspect que les évaluations ont de difficulté pour trouver des preuves permettant de faire des inférences pertinentes sur différents aspects de l’objet évalué. Il ne faut pas blâmer l’évaluation, si les données et informations de suivi sont inexistant ou de qualité médiocre. Par contre, il faut blâmer une évaluation qui tire des conclusions sur des aspects qui souffrent d’absence de preuves, y inclus les données et informations de suivi. Donc l’évolution de l’évaluation doit se faire de façon concomitante à l’évolution du suivi.
Cela dit, mon expérience est que lorsque l’évaluation s’appuient sur des évidences et des sources triangulées, ses conclusions et enseignements sont très bien pris en compte par les décideurs politique, lorsque ces derniers sont briefés et informées de manière adéquate, car ils y voient une approche plus complète.
Voilà ma contribution
Dreni-Mi Mahamat Djimé
Assistant au Secrétaire Général du Ministère de l"Agriculture Ministère de l'Agriculture/Ancien Directeur des Etudes de la Planification et du SuiviMerci bcp Jean Marie pour votre contribution très pertinente. Le grand défi c’est sensibiliser les parties prenantes pour un changement du paradigme.
Nous sommes ensembles.
Ciao
RFE Réseau francophone de l'évaluation
Réseau francophone de l'évaluationBonjour à toutes et à tous,
Le suivi et l’évaluation sont tous les deux importants (au sens où ce sont deux démarches différentes qui ne se remplacent pas l’une et l’autre) et le suivi est important pour l’évaluation (on fait de meilleures évaluations avec un bon système de suivi). Ce sont donc deux démarches différentes mais complémentaires.
Pour en venir à la question des moyens accordés au système de suivi pour bénéficier de données de qualité :
- Il est très important de valoriser les producteurs de données et de leur faire un retour de l’utilisation qui a été faite des données dans l’évaluation et la prise de décision. Ceci afin de donner du sens à la collecte de données et de sensibiliser les décideurs à son importance.
- Une des options pour diminuer les coûts est de s’appuyer le plus possible sur les usagers (les agriculteurs, les pêcheurs…) pour collecter les données (au lieu d’utiliser uniquement des enquêteurs « professionnels »)
Dernier point très important : l’enjeu majeur est la cohérence d’ensemble du système car il faut à la fois des collecteurs de données motivés et fiables à l’échelle locale et il faut aussi que ces données soient en partie comparables et puissent être agrégées à l’échelle nationale sinon on se retrouve avec une masse de données locales dont on ne peut rien tirer à l’échelle supra. Ce travail d’articulation d’échelle consistant à cadrer le système de suivi sans « enfermer » la collecte locale dans le remplissage d’indicateurs qu’ils ne comprennent pas et qui ne leur sont pas utiles est très important et constitue la compétence clé que doit avoir un chargé de suivi à l’échelle nationale.
On observe souvent la multiplication et superposition de systèmes de collecte et traitement de données pour la gestion, le suivi et l'évaluation, alors qu'un système à pertinence partagée serait bénéfique à bien des égards (penser ou repenser l'architecture institutionnelle en matière de SE).
Dinisse SYLVA
Coordonnateur AssociationChers(es) collègues
La disponibilité des ressources pour la fonctionnalité des dispositifs de suivi-évaluation doit être examinée à deux niveaux: d'abord au niveau des ressources humaines et ensuite au niveau des ressources financières.
Au niveau des ressources humaines, il faudrait déjà que les projets et programmes commencent à intégrer le transfert de compétences en suivi évaluation aux bénéficiaires pour assurer la continuité de l'exercice à la fin du projet.
Au niveau des ressources financières, comme l'a dit un collègue dans la discussion, ce problème est réglé dans la plupart des canevas des bailleurs. Mais il faut aussi souligner qu'au delà de l'exécution, le suivi et l'évaluation de l'impact des projets et des programmes est également d'une grande importance et très souvent, nous notons l'absence de ressources financières pour le faire à la fin des programmes.
Nous devons aussi donc commencer à réfléchir sur comment cette problématique doit être prise en compte dans l'élaboration des projets ou programmes pour une meilleure durabilité.
Bien des choses et bonne fête de la femme,
Dinisse SYLVA
Spécialiste de développement local
Management de programmes et projets de développement local
Suivi-évaluateur de projet
Alumni de Corps Africa/Sénégal
Membre du Réseau Francophone des Evaluateurs Emergents
Mame Vénus Badiane
MEAL Manager Counterpart InternationalBonjour Mr Djime
Effectivement le problème n'est plus au niveau des projets financés par des bailleurs .Les projets ont la plupart un bilan concluant avec en général minimum de 90% d'exécution, d'atteinte des objectifs de performance grâce à un système de suivi évaluation adapté (recrutement de professionnel , financement du dispositif ....) .
Maintenant la difficulté est que ,quand ces projets quittent, il y'a plus de continuité le plus souvent parce qu'il y'a pas eu de stratégie de durabilité des interventions ni de dispositif de suivi évaluation (acteurs et outils ) pour les raisons suivantes :
- Par manque de transition entre les spécialistes M&E du projet et les acteurs de l'état
- Par manque de ressources humaines ou spécialistes qualifiés au niveau des structures publiques (qui à un certain niveau d'expertise travaillent dans le privé )
- mais aussi par manque de politique ou d'engagement financière de l'etat pour financer ce dispositif après le cycle du projet .
Par conséquent le défi est comment amener les décideurs de l'état à financer à pérennisation des interventions (dont le budget du suivi évaluation ) au bénéfice des communautés et d'autre part comment relever le niveau d'expertise des agents de l'etat en suivi evaluation (dispositif et mécanisme , maîtrise des applications et logiciels, maitrise des analyses pour la prise de décision et d'évidences ...) et ensuite les maintenir dans le secteur publique .
Bien cordialement
Jean Providence Nzabonimpa
Regional Evaluation Officer United Nations World Food ProgrammeCher Elias et chers collègues,
Merci de partager et de discuter de ce sujet très important. Plus nous discutons, plus nous comprenons comment aborder les problèmes qui affectent la pratique de l'évaluation. Pour commencer, le suivi et l'évaluation, sont-ils différents ou sont-ils les deux faces d'une même pièce ? Une combinaison parfaite en théorie, mais largement inadaptée en pratique, comme l'a posé Elias.
À l'aide d'une anecdote et de quelques points de vue qui suscitent la réflexion ou la controverse (j'espère que j'en obtiendrai plus d'un !), j'examinerai le suivi et l'évaluation, chacun à sa manière, et je terminerai par ma réflexion personnelle. Tout d'abord, j'encourage mes collègues à (continuer à) lire Ten Steps to a Results-Based Monitoring and Evaluation System de Kusek et Rist. Bien qu'il ait été publié en 2004, il éclaire toujours les liens entre le suivi et l'évaluation. Notez que je ne suis pas d'accord avec certaines propositions ou définitions faites dans ce manuel. Mais je vais les citer :
"L'évaluation est un complément au suivi en ce sens que lorsqu'un système de suivi envoie des signaux indiquant que les efforts ne sont pas sur la bonne voie (par exemple, que la population cible n'utilise pas les services, que les coûts s'accélèrent, qu'il y a une réelle résistance à l'adoption d'une innovation, etc.), alors de bonnes informations d'évaluation peuvent aider à clarifier les réalités et les tendances constatées par le système de suivi". p. 13
Le suivi comme fruit à peine cueilli. Anecdote. Un décideur me disait qu'il préférait les méthodes rapides et sales aux méthodes d'évaluation rigoureuses et qui prennent du temps. Pourquoi ? Pas étonnant qu'il soit facile et rapide de se faire une idée des activités mises en œuvre et des résultats qui en découlent. À propos, le suivi porte sur tout ce qui est sous le contrôle des exécutants (intrants, activités et résultats). Une discussion pour un autre jour. Avec le suivi, il s'agit généralement de vérifier la base de données (de nos jours, nous regardons des tableaux de bord visualisés) et d'être capable de dire où en est un projet dans sa mise en œuvre, sa progression vers les objectifs (produits/résultats ?).
L'évaluation : les fruits les plus mûrs : Dans un sens traditionnel, l'évaluation tente d'établir si un changement a eu lieu, ce qui a entraîné ce changement et comment. C'est le domaine de la causalité, de la corrélation, de l'association, etc. entre ce qui est fait et ce qui est finalement réalisé. L'évaluation prend du temps et ses résultats prennent du temps. Peu de décideurs ont le temps de les attendre. En un rien de temps, leur mandat arrive à son terme, ou il y a un réaménagement du gouvernement. Certains ne sont peut-être plus en fonction au moment où les résultats de l'évaluation sont publiés. Nous nous demandons encore pourquoi les décideurs préfèrent les données de suivi ?
Ma compréhension et mon expérience du S&E, telles que développées dans Kusek et Risk (2004), sont qu'un suivi bien conçu et réalisé alimente l'évaluation et que les résultats de l'évaluation montrent (lorsque le projet est toujours en cours) ce qu'il faut suivre de près. Un bon suivi recueille et fournit, par exemple, des données chronologiques utiles pour l'évaluation. L'évaluation alimente également le suivi. À propos, je suis personnellement moins enthousiaste à l'égard des évaluations de fin de projet. Cela semble contraire à la mission d'un praticien de l'évaluation, n'est-ce pas ? Parce que les communautés cibles pour lesquelles le projet est conçu ne bénéficient pas de telles évaluations finales. Bien sûr, lorsqu'il s'agit d'un projet pilote, il peut être étendu et les groupes cibles initiaux peuvent être atteints avec un projet amélioré, grâce aux leçons tirées de l'évaluation. Croyez-moi, je réalise des évaluations finales, mais elles sont moins utiles que les évaluations développementales, formatives, en temps réel/rapides. Un sujet pour un autre jour !
Le suivi et l'évaluation forment un seul et même système, complémentaire et fécondant. Certains collègues des bureaux ou départements d'évaluation indépendants peuvent ne pas apprécier le lien et l'interdépendance du suivi et de l'évaluation. Tout simplement parce qu'ils sont étiquetés "indépendants". Cela me rappelle l'autre discussion sur l'indépendance, la neutralité et l'impartialité de l'évaluation. Oups, je n'ai pas pris part à cette discussion. Je suis d'accord pour dire que l'auto-évaluation et l'évaluation interne ne doivent pas être discréditées comme Elias l'a soutenu dans son blog. Les initiés de l'évaluation comprennent et connaissent le contexte que les évaluateurs externes et indépendants ont parfois du mal à saisir pour donner un sens aux résultats de l'évaluation. Mettons cela de côté pour l'instant.
L'année dernière, un forum en ligne (lien vers le rapport préliminaire) a été organisé, rassemblant des jeunes de différents pays du Sahel. Grâce à ce forum, les rêves, les aspirations, les défis, les opportunités, etc. des jeunes ont été discutés et partagés. Une énorme quantité de données a été collectée par le biais de la plateforme virtuelle. Ces conversations avec les jeunes (une activité qui a touché des centaines de jeunes) ont permis d'établir non seulement la preuve d'un changement dans le récit, mais aussi ce qui favorise ou entrave le changement et les aspirations des jeunes. Une correspondance parfaite entre le suivi (atteindre x nombre de jeunes) et l'évaluation (facteurs favorisant ou inhibant le changement souhaité). Lorsqu'il existe des données issues de ces conversations de jeunes, il est moins utile de procéder à une évaluation pour déterminer les facteurs associés au changement au Sahel. Il suffit d'analyser ces données, en élaborant bien sûr un guide analytique pour aider à ce processus. L'utilisation des données de suivi est d'une grande aide pour l'évaluation. Il est prouvé que les décideurs de haut niveau sont très favorables aux idées issues de l'analyse des discussions des jeunes. Imaginez qu'il faille attendre que le moment soit venu de procéder à une évaluation en bonne et due forme ! Revenons à notre sujet.
Dans l'ensemble, les décideurs sont prêts à utiliser les données du suivi car elles sont facilement disponibles. Le suivi semble simple et facile à utiliser. Tant que l'évaluation sera considérée comme une tour d'ivoire, une sorte de science infuse, elle sera moins utile pour les décideurs. Le jargon de l'évaluation lui-même, n'est-il pas problématique, n'est-il pas un obstacle à l'utilisation des preuves évaluatives ? Mes hypothèses : Les décideurs aiment utiliser les preuves du suivi lorsqu'ils prennent des décisions comme des pompiers, sans se préoccuper des méthodes rapides et sales mais pratiques. Ils utilisent moins les preuves évaluatives car ils n'ont pas le temps d'attendre.
Un appel aux actions innovantes : des évaluations en temps réel, rapides mais rigoureuses, si nous voulons vraiment que les preuves évaluatives soient utilisées par les décideurs.
Merci à tous. Continuons à apprendre et à trouver les meilleurs moyens d'apporter les preuves de S&E là où elles sont le plus nécessaires : la prise de décision à tous les niveaux.
Jean Providence Nzabonimpa
Diagne Bassirou
Responsable Suivi-EvaluationResponsable Suivi-Evaluation WACA- West Africa Coastal Areas Management programCher Mr Djimé,
la disponibilité des ressources pour la fonctionnalité des dispositif de suivi-évaluation reste toujours un défis. Cependant il faut noter que le suivi-évaluation, à l'instar de la communication et de la coordination, demeure transversale aux différentes composantes d'un projet, programme ou politiques pour une efficacité dans l'éxécution. Ainsi dans la planification budgétaire des composantes, il faut toujours y introduire une ligne prévisionnelle pour les composantes transversables afin d'avoir une disponibilité pour leurs fonctionalités. Aujourd'hui dans plusieurs canevas de bailleurs, cette lignes est prévue. Par ailleurs elle est un défis réel pour les programmes et projets publiques, qui malheureusement n'accordent pas beaucoup d'importance au suivi-évaluation...
Dreni-Mi Mahamat Djimé
Assistant au Secrétaire Général du Ministère de l"Agriculture Ministère de l'Agriculture/Ancien Directeur des Etudes de la Planification et du SuiviBonjour Cher(e)s collègues.
Ce que nous disons du Suivi et de l'Evaluation est très important dans le processus de développement pour le changement des nos conditions économiques, sociales et culturelles de nos Etats. Nous avions en face de nous les engagements de nos Etats (ODD, Union Africaine...). Malheureusement le système de suivi et évaluation ne reçoit pas le financement adéquat pour son fonctionnement et ceci impacte les résultats escomptés des programmes et projets. Alors, la question que je voudrais poser:
Sur la base de vos expériences, comment faire pour que les activités du Suivi Évaluation obtiennent les ressources idoines pour leur fonctionnement (Réalisation des enquêtes, collecte et traitement des données....)?
Je vous remercie.
Lafia Djamilou DANKORO
Monitoring and evaluation officer UNDPMerci pour cette discussion.
J'ai une préoccupation : Quels sont les moyens les plus efficaces pour effectuer un suivi dans une zone inaccessible, telle qu'une zone de conflit ?
Hynda Habchi Krachni
Directrice de Mission Ministère de Finances (Algérie)Bonsoir chers membres d'ÉvalForward
La question posée par Elias est très intéressante.
Le suivi, étant un processus fournissant régulièrement des informations, il permet de prendre des décisions rapidement. Un bon suivi implique, forcément, la réussite d'un projet ou d'une politique, puisqu'il permet de corriger et de rectifier rapidement une situation non prévue ou une contrainte donnée.
Par ailleurs, plus l'information est fiable et pertinente, plus le suivi est efficace.
Dans les pays en voie de développement, la remontée de l'information de la locale vers la centrale et sa consolidation, constituent la principale contrainte du suivi et de l'évaluation.
En effet, l'information manque souvent de fiabilité, ce qui se répercute inévitablement sur les décisions qui seront prises.
Quant à l'évaluation, elle nécessite plus de temps, puisqu'elle est adossée à la recherche et l'analyse. Elle permet, aux décideurs, de revoir les stratégies, corriger certaines actions et certaines fois revoir les objectifs, s'ils sont jugés trop ambitieux ou irréalisables, une fois la politique mise en œuvre.
Diagne Bassirou
Responsable Suivi-EvaluationResponsable Suivi-Evaluation WACA- West Africa Coastal Areas Management programCher Elias,
Je trouve pertinent la discussion et votre point de vue sur la pertinence de cette combinaison dans l'ultime but de répondre aux besoins d'informations dans le processus de prise de décision.
A mon avis au dépend des projets ou programmes variant de leurs typologies et echelle d'intervention en thématiques et/ou géographique la pertinence de cette combinaison peut être remise en cause afin de mieux répondre aux besoins de la prise de décision.
Si nous prenons l'exemple des programmes étatiques voire politiques le suivi est le maillon le plus fort vu la demande permaneante d'information pour prendre des décisions immédiat cependant il faut noter qu'en tout moment le constat ou l'analyse faite sur la base des données de suivi pour prendre du décision n'est rien d'autre qu'une "évaluation" je peut même dire extraordinaire à l'instar des évaluations ordinaires prédéfinis dans un systeme de M&E (baseline, midterm, évaluation finale et évaluation d'impact). Ainsi je pense qu'il serait question de faire revoir la périodicité de l'évaluation classique et à la place de suivi et evaluation qu'on est dans une situation de suivi-évaluation c'est à dire une évaluation simplifié aussi permanante que le suivi de maniére paralléle avec une périodicité définie par les besoins d'informations dans le processus de prise de décision tout en prenant en compte les urgences dans le processus....